Au tour des membres du Parti québécois de se réunir la fin de semaine dernière pour discuter « avenir » et « contenu ». L’avenir est un mot particulièrement chargé en ce qui concerne le PQ puisque, de tous les partis provinciaux, il est le seul qui vit une véritable agonie. René Lévesque a beau avoir lui-même prédit la mort de sa formation, un tel dépérissement au sein d’un parti qui a été aussi important dans l’histoire du Québec ne cesse de surprendre. En neuf ans, le PQ est passé de 31,95 % des intentions de vote (2012) — 25,38 % en 2014, puis 17,06 % 2018 — à 13 %, selon un sondage Léger dévoilé jeudi dernier.
L’heure est grave pour le PQ. Mais il va falloir faire plus que montrer d’un doigt accusateur le Canada « postnational » de Justin Trudeau pour se tirer du pétrin. Quoi qu’en dise le chef, Paul St-Pierre Plamondon, le problème fondamental du parti n’est pas « l’omerta » entourant la souveraineté. C’est que la formation actuelle n’a pas grand-chose à dire — outre la réactivation d’un calendrier (mortifère) référendaire.
Tout se passe comme si le PQ ne comprenait pas le rôle qu’il avait lui-même joué depuis 25 ans.
D’abord, on sous-estime ce que les échecs référendaires nous ont infligé comme blessure psychique. J’en prends pour preuve les nombreuses entrevues que j’ai menées sur le nationalisme québécois récemment. Pour tous ceux qui ont cru à la « société modèle » dont parlait René Lévesque, il reste un goût de cendres dans la bouche. C’est dur de perdre, pour n’importe qui, mais c’est encore plus dur, comme dit le sociologue Gérard Bouchard, quand on participe soi-même à sa propre défaite. On mesure encore mal tout le découragement et la désillusion qui découlent de ce rendez-vous raté avec l’Histoire.
C’est d’ailleurs pourquoi les invectives de PSPP à l’endroit du fédéral sont si peu convaincantes. Le problème n’est pas d’abord à Ottawa — même si, bien sûr, on peut lui reprocher un tas de choses. Le problème est de n’avoir pas su sauter à bord du train alors que personne ne nous en empêchait. Trop de francophones — ceux-là mêmes sur qui on pensait pouvoir compter, le 30 octobre 1995 — ont choisi de ne pas bouger, ont choisi, pour paraphraser un autre indépendantiste de la première heure, Jean Dorion, ce qu’ils étaient déjà plutôt que ce qu’ils auraient pu devenir.
Le problème du PQ aujourd’hui est que, plutôt que de viser haut, de concevoir un plan généreux, ambitieux, ouvert sur la diversité et sur le monde, à l’instar du projet initial, il cherche sans cesse des coupables. On reprend donc de vieux refrains : « c’est la faute au fédéral » (lire : au multiculturalisme) et « à l’anglais », sans oublier les nouvelles têtes de Turc : les immigrants.
Le PQ ne parle évidemment plus de mettre les immigrants au pas des valeurs québécoises ou d’interdire encore plus largement le port des signes religieux, comme il le faisait au moment de prendre le pourvoir en 2012. Pour le parti de René Lévesque, le prix à payer pour des positions aussi conservatrices (on sait d’ailleurs ce qu’en passait Jacques Parizeau) est beaucoup trop élevé. Et puis, il a déjà encaissé le coup lors des dernières élections, subissant « la pire défaite de son histoire ». Depuis, le PQ de PSPP se contente de soutenir du bout des lèvres les politiques nationalistes conservatrices du gouvernement Legault. Un tour de passe-passe dont personne n’est dupe et qui fait du message péquiste une espèce de bouillie pour les chats, le coupant toujours un peu plus de sa gauche, des immigrants et des jeunes, en plus d’empêcher un franc combat contre la CAQ lors des prochaines élections.
Ce pari empoisonné, bien que conçu avec les meilleures intentions — promouvoir la laïcité et l’égalité hommes-femmes —, est le véritable éléphant dans la pièce. Depuis la crise des accommodements raisonnables, le PQ, empruntant l’approche adoptée par le chef adéquiste Mario Dumont en 2007, s’est mis lui aussi à parler de « nous ». Le temps des minorités avait suffisamment duré, disait-on, il fallait remettre la majorité francophone au centre du récit national. La CAQ a ensuite repris le même flambeau, avec grand succès d’ailleurs.
On peut comprendre, bien sûr, le besoin de rassurer les francophones sur leur avenir. Mais encore aurait-il fallu rassurer les membres des communautés culturelles sur le leur. D’autant plus que, pendant tout ce temps, la société québécoise n’a cessé de se diversifier. Le résultat inévitable, rappelle l’historien Pierre Anctil, de l’application de la loi 101. En intégrant les enfants d’immigrants dans les écoles françaises, on assurait non seulement la francisation des petits étrangers, mais on pavait la voie à une société de plus en plus multiculturelle.
« Je ne suis pas certain que la génération de Lévesque ait bien compris la portée du geste à l’époque, ajoute-t-il. Qu’à terme, c’est l’identité québécoise elle-même qui serait transformée. »
Ce que le PQ d’aujourd’hui ne semble pas comprendre, lui, c’est que les jeunes qui lui tournent le dos actuellement ne le font pas par désintérêt pour la souveraineté. Ils le font parce que le projet qu’on leur propose n’est pas suffisamment « inclusif ». Qu’ils soient francophones de souche ou fils ou filles d’immigrants, la diversité culturelle est la réalité qu’ils connaissent et qu’ils veulent maintenir. Oui, ils veulent vivre en français, mais pas nécessairement selon un seul modèle. Plus que toute autre chose, c’est cette diversité culturelle qui démarque l’époque actuelle des autres.
Avis aux partis politiques qui croient en l’avenir.
Sur Twitter : @fpelletier1
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