La troisième vague ne laisse pas sa place. Malgré l’engouement pour les vaccins, les infections augmentent de façon exponentielle, dit l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La présence de variants, beaucoup plus contagieux et bien plus mortels, complique la bataille. En ce moment, la reproduction du virus est telle que même avec 70 % de la population vaccinée, l’immunité collective pourrait nous échapper.
En d’autres mots, la disponibilité de plusieurs vaccins de haut calibre ne change pas tout.
Au rythme où les gens tombent malades, il va bien falloir songer à (activement) en guérir quelques-uns — précisément ce qui a été négligé depuis le début de la pandémie. À ce chapitre, les élucubrations de Donald Trump sur les bienfaits de l’eau de Javel et autres produits « miracle » n’ont certainement pas aidé. La controverse entourant l’hydroxychloroquine non plus. Tout ça ne faisait pas très sérieux. Et puis, la course effrénée et hautement subventionnée pour trouver un vaccin prenait bien sûr toute la place.
La férocité de la troisième vague, par contre, nous force à revoir cet ordre des priorités. En commençant par un traitement à base d’anticorps monoclonaux, le même qui serait responsable de la guérison de l’ineffable président, en octobre dernier. Expérimental à ce moment-là, le traitement a été autorisé le 9 novembre 2020 par la Food and Drug Administration (FDA) et, quelques semaines plus tard, par Santé Canada. Depuis, 13 pays ont emboîté le pas bien que ce traitement demeure peu connu du public ou même, parfois, des professionnels de la santé.
Découverts il y a 45 ans et couronnés d’un prix Nobel en 1984, les anticorps monoclonaux (AM) agissent comme des « roquettes téléguidées » qui, dans le cas du coronavirus, s’attachent à ses petits pics chevelus (protéines spike), l’empêchant ainsi de pénétrer dans les cellules du corps humain. Le virus est neutralisé rapidement — on se souvient du rebondissement éclair de Trump lui-même —, mais encore faut-il que l’infection soit récente. Le diagnostic doit avoir été reçu il y a dix jours tout au plus et les AM sont réservés aux personnes qui ont des facteurs de risque : l’âge (65 ans et plus), l’embonpoint, l’hypertension, le diabète, l’immunosuppression et autres maladies chroniques. C’est du monde à la messe, en bout de piste. Pourquoi ces distinctions ? Ce sont ces personnes-là qui risquent de tomber gravement malades et de se retrouver aux soins intensifs.
Le but de ce traitement est donc identique aux mesures sanitaires imposées durant la pandémie et aux vaccins eux-mêmes : protéger les plus vulnérables et, par extension, le système de santé. Les essais cliniques menés par les deux compagnies pharmaceutiques qui fabriquent les AM, Eli Lilly et Regeneron, ont révélé une réduction de 70 % des risques d’hospitalisation et de mort chez des personnes récemment infectées. Les derniers essais cliniques laissent croire que le traitement aurait peut-être même « la capacité de prévenir la maladie tout court ».
Pour toute personne à risque qui ne veut pas ou qui ne peut pas obtenir un vaccin, les anticorps monoclonaux sont manifestement une avenue prometteuse. Alors, pourquoi n’en entend-on pas davantage parler ? L’obsession liée au vaccin et le manque d’information sont évidemment des facteurs, mais l’administration des AM pose aussi un certain inconvénient : donné par infusion sanguine, le traitement prend du temps (quelques heures) et de la place — tout ce que les hôpitaux n’ont pas.
Heureusement, le vent tourne actuellement pour les AM — du moins, chez nos voisins. Des institutions aussi prestigieuses que la Mayo Clinic, le Johns Hopkins Coronavirus Resource Center, le réseau de santé Mount Sinai, sans parler du gouvernement Biden lui-même, prêts à investir 150 millions de dollars dans une campagne de distribution : tous parlent d’offrir ce traitement plus largement.
Et le Canada dans tout ça ? Des milliers de doses d’anticorps monoclonaux dorment dans des entrepôts à l’heure actuelle en attendant que les provinces, qui ont la responsabilité de la distribution des médicaments, décident d’agir. Au Québec, l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESS) a levé le nez sur ce traitement en décembre citant « le manque de robustesse des données scientifiques ». Mais beaucoup d’eau a coulé sous le pont depuis, y compris d’autres essais cliniques cités plus haut. Des scientifiques de McGill ont d’ailleurs l’intention de réclamer un nouvel examen de la part de l’INESS bientôt.
« Pourquoi laisserait-on mourir les gens ici alors qu’on pourrait les sauver ? » demande Samuel Herzog, un leader de la communauté hassidique à Montréal. Cette communauté a été particulièrement touchée par le coronavirus et suit de près ce qui se passe aux États-Unis. M. Herzog se fait un devoir de mettre le gouvernement Legault au courant du dossier, ainsi que d’informer les médias, dans l’espoir de voir le traitement des anticorps monoclonaux offert ici. « Bien des Québécois pourraient en bénéficier », dit-il.
Si le système de santé canadien n’est pas sans compliquer l’application d’une telle mesure, l’espoir est certainement de mise.
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