D’abord, les bonnes nouvelles. Le Parti québécois (PQ) nouveau ne veut plus de partisanerie mesquine ni non plus provoquer « des crises avec le gouvernement fédéral pour raviver la flamme souverainiste ». Surtout, il promet de ne plus mettre l’article un de son programme sous le boisseau. « L’important, c’est pourquoi on adhère à l’indépendance et pourquoi les gens devraient y adhérer », dit le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé. On s’ouvre également à la diversité, comme le démontre l’élection de Dieudonné Ella Oyono à la présidence du parti. On ne peut qu’applaudir.
Les moins bonnes, maintenant. Le penchant à chiquer la guenille avec le fédéral est une tendance visiblement tenace. Même après avoir proclamé un changement de ton et l’avenue d’une nouvelle époque, l’idée que l’intransigeance fédérale finira bien par nous faire comprendre la nécessité de la souveraineté a quand même refait surface à l’issue du congrès. « Quand […] les gens réalisent que le gouvernement canadien pourrait être complice d’une contestation qui invaliderait une loi québécoise, ils se disent "on n’est pas souverains sur notre territoire" », rappelait le chef intérimaire. Il va certainement falloir trouver mieux si on espère raviver le rêve « du pays » un jour.
À l’issue de ces deux jours de « refondation », et le désir manifeste de procéder à un examen de conscience, on reste sur son appétit. Le PQ jouera désormais franc jeu avec l’idée d’indépendance ? Tant mieux. Mais que dire de l’ascension loufoque de Pierre Karl Péladeau à la tête du parti ? Des stratégies parfois incompréhensibles de Jean-François Lisée ? De l’insolite « charte des valeurs » ? Sans parler de la dernière contorsion : l’arrimage idéologique avec la CAQ tel qu’illustré par le Bloc québécois, le parti frère du PQ, lors des dernières élections fédérales.
C’est qu’il n’y a pas que l’idée d’indépendance qui a été malmenée depuis 25 ans. L’autre grand axe du parti, la social-démocratie, l’a été aussi. Pour bien des électeurs du PQ — ceux pour qui le « projet de société » a toujours été plus important que le simple acte de couper les cordons — la véritable trahison, elle est là, et non dans la peur de l’indépendance comme telle.
Entre la prise de pouvoir de Lucien Bouchard et celle de Pauline Marois, il s’est passé quelque chose au sein du PQ qui demeure fort mystérieux. Un jour, peut-être, quelqu’un se chargera de faire toute la lumière sur ce qui s’est passé dans les alcôves du parti durant ces années-là. Car Lucien Bouchard n’a pas seulement signalé la fin des chefs forts et charismatiques au PQ, il a aussi marqué, avec son « déficit zéro », un tournant conservateur. Ce virage essentiellement économique a ensuite pris une allure nettement plus idéologique au fur et à mesure que la décennie avançait.
Prenant note de ce qui avait si bien marché pour l’ADQ de Mario Dumont, lors de la crise des accommodements raisonnables, le PQ s’est mis à parler de plus en plus de « nous ». Jean-François Lisée, alors conseiller spécial du parti, y a même consacré tout un ouvrage (Nous, Boréal, 2007). Notant que, partout en Occident, nous avions « changé de moment », passant de la consécration des minorités à celle des majorités, celui qui deviendrait le prochain leader péquiste réfléchit alors au besoin de « reconnaître la légitimité du malaise [majoritaire] et d’accompagner la majorité vers un nouvel équilibre social ».
On peut se demander si ce ne sont pas ces réflexions, jumelées au contexte politique de l’époque, qui ont donné naissance, cinq ans plus tard, à la charte des valeurs et, du même coup, à l’édification d’un nationalisme identitaire, de plus en plus inquiet de la présence de l’autre. Un nationalisme qui ne se distingue guère de celui que prône le gouvernement caquiste, exception faite de la formule indépendantiste, faut-il le rappeler. Prôner un « nationalisme d’ouverture », comme l’a fait l’assemblée en fin de semaine, ne suffit pas à rectifier le tir. Enligner de beaux grands mots tels que liberté, égalité et justice non plus. Il y a tout un héritage, celui de l’ouverture sur le monde notamment, laissé en plan depuis le changement de cap du Parti québécois qui mérite urgemment qu’on y revienne.
Il est difficile d’être rassuré sur les intentions progressistes du PQ au moment où l’on se parle. À plus forte raison devant la rapidité avec laquelle, non seulement les plus vieux, mais également les plus jeunes, ont condamné la députée solidaire, Catherine Dorion. Alors que des femmes, partout au Québec, soulignent, au moment où ces lignes sont écrites, leur solidarité avec celles qui refusent les diktats vestimentaires d’usage, les jeunes péquistes, eux, l’invitent « à se conformer ». Pour un parti qui cherche à briser le « décorum » canadien une fois pour toutes, qui cherche à redéfinir les conditions d’existence pour Québec au grand complet, ce manque d’imagination et d’audace laisse franchement à désirer.
Vivement un nouveau chef ou une nouvelle cheffe qui saura y voir plus clair.
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