À quelques heures de fermer la porte sur le grand débat que l’on connaît, le port de signes religieux, je me permets une suggestion au gouvernement Legault : ramenons les cours d’éducation sexuelle. Pas le « saupoudrage » effectué par le précédent gouvernement qui, on le constate aujourd’hui, a raté sa cible, mais des cours en bonne et due forme, consacrés à la sexualité, enseignés par des personnes dûment formées.
Rien n’est plus opposé au conservatisme religieux, après tout, plus contraire à cet esprit austère et pudibond qu’une sexualité franche et ouverte. Posons donc un geste positif à l’intérieur de ce que plusieurs voient, dans cette laïcité bientôt officialisée, comme un « projet de société », rien de moins qu’une reprise en main du destin collectif, en offrant quelque chose plutôt qu’en en enlevant. Donnons des cours d’éducation sexuelle à tous les élèves du primaire et du secondaire, frappons exactement là où le vivre-ensemble se conjugue, plutôt que de simplement retirer les signes religieux à quelques enseignantes des écoles publiques de Montréal. Posons un geste d’éducation et d’intégration plutôt que d’exclusion. Qui dit mieux ? Ensuite, on pourra se bomber le torse en entonnant : « Au Québec, c’est comme ça qu’on vit ».
Blague à part. Si tout ce branle-bas autour de la laïcité est pour avoir le sens qu’on lui donne, une reconnaissance de l’égalité hommes-femmes et une affirmation du vivre-ensemble québécois, eh bien, montrons-le. L’éducation sexuelle a une longue feuille de route au Québec (1980-2001), malheureusement interrompue par le fameux « renouveau pédagogique » qui, au début des années 2000, cherchait davantage le développement de « compétences disciplinaires »(langue, mathématiques, sciences) que le développement humain. C’était le début de ce qu’on appelle le marchandage de l’éducation, « une éducation axée davantage sur les résultats que sur le processus éducatif lui-même ».
L’actuel premier ministre, François Legault, était le ministre de l’Éducation à l’époque de ce grand virage. Sans nier que l’apprentissage des connaissances de base nécessitait alors un coup de barre, cette insigne réforme scolaire n’a pas du tout donné les résultats escomptés. Une étude menée auprès de 3724 jeunes et 3913 parents, publiée en 2015, a démontré que les résultats scolaires ne s’étaient pas améliorés. Pire, ils avaient même « diminué en français malgré l’ajout de 150 heures d’enseignement ». Des résultats tellement gênants que le ministère de l’Éducation, qui avait lui-même demandé l’étude, hésita à les rendre publics.
Le scénario se répète aujourd’hui avec les « contenus obligatoires en éducation à la sexualité », qui ont remplacé de véritables cours en ce domaine. Le bilan des projets pilotes (2015-2017) qui ont précédé la mise en oeuvre de cette nouvelle approche, obligatoire à partir de septembre 2018, est à ce point négatif, dit la vice-présidente à la vie professionnelle de la Fédération autonome d’enseignement, Nathalie Morel, que le gouvernement n’a pas voulu publier les résultats de la deuxième année d’essai (2016-2017). Comme le révélait Le Devoir cette semaine, l’approche bénévole qui consiste à demander à des enseignants, déjà surchargés par leurs propres matières et responsabilités, de trouver un peu de temps pour exposer le comment et le pourquoi de la sexualité, une expertise en soi, « ça ne passe pas ».
Talonné par les syndicats de l’enseignement sur cette question, l’actuel ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a récemment concédé, vu l’état des lieux, le recours à des sexologues. Seulement, c’est toute l’approche qu’il faut revoir. Bien que le contenu fourni par le ministère soit tout à fait adéquat, pensé en fonction de chaque niveau scolaire, les heures consacrées à son enseignement sont dérisoires : de 5 à 10 par année. Il faut arrêter de traiter cette matière, la seule qui n’est pas proprement intégrée au curriculum, comme une espèce de passe-temps ou de curiosité.
La sexualité est à la base du développement humain, de l’identité et de l’épanouissement individuels. C’est une chose à la fois délicate et immensément compliquée, comme l’a démontré la récente vague de dénonciations d’agressions sexuelles. C’est d’ailleurs dans la foulée de #MoiAussi que l’idée de réintroduire l’éducation sexuelle dans les écoles est survenue. Porter flanc à l’ignorance sexuelle et aux violences qui en découlent, sans parler des questions d’image corporelle, de grossesse et de maladies transmises sexuellement, ce sont toutes des raisons qui militent pour un retour, par la grande porte, des cours d’éducation sexuelle.
Il y en a une autre. Après la loi 101, qui s’est avérée un grand accélérant de l’intégration d’enfants d’immigrants au Québec, l’éducation sexuelle a le mérite de mettre tout le monde dans le même bain. C’est un grand colporteur de valeurs communes, en commençant par la connaissance de soi et le respect de l’autre.
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