Qualifiée de « sommet de la dernière chance », la rencontre épiscopale sur les scandales sexuels s’est terminée en queue de poisson, sans résolutions claires ni mesures concrètes. Mis au pied du mur, le pape François, qu’on dit pourtant audacieux et novateur, s’en est remis à « Satan » et au « sacrifice » des « rites païens » pour expliquer les abus sexuels. Un peu plus et on appelait un exorciste pour expurger le « mal » au sein de l’Église.
Plutôt que de conclure à la nécessité de réparer les injustices commises, le Vatican incite donc à l’examen de conscience, à la « conversion des coeurs » et, bien sûr, à résister aux tentations. « Sortez des ténèbres », comme disait une religieuse de mon enfance.
Plus ça change, plus c’est la même chose. L’Église, même sous François, est à mille lieues de pouvoir faire un véritable examen de conscience. Si le Saint-Siège est incapable d’évincer tous les prêtres agresseurs, un strict minimum pour une organisation qui veut tourner la page, comment en viendrait-il à admettre cette situation complexe et camouflée qu’est l’homosexualité répandue dans ses rangs ? Cette réalité fait l’objet d’un livre-choc (Sodoma) publié la semaine dernière par le sociologue et journaliste français Frédéric Martel. « L’Église est devenue sociologiquement homosexuelle », confiait l’auteur dans les pages du Devoir.
S’il est difficile de donner des chiffres exacts, c’est un secret de Polichinelle que le sacerdoce a longtemps été un refuge pour des hommes incapables de vivre leur homosexualité en société. Autre secret de Polichinelle, du moins pour ceux qui fréquentent le Vatican : plus on monte dans la hiérarchie catholique, plus l’homosexualité est présente. Selon l’auteur de Sodoma, « le Vatican a une communauté homosexuelle parmi les plus élevées au monde ».
Évidemment, le sujet est tabou au sein de l’épiscopat catholique. Non seulement n’en parle-t-on pas, mais les évêques aux tendances « affichées » sont souvent les premiers à dénoncer cette « maladie ». C’est précisément cette mentalité tordue, cette négation de la réalité (l’homosexualité est toujours perçue comme un « travers » selon la doctrine officielle de l’Église), cette propension au mensonge tissée à même l’administration catholique qui expliquent la dissimulation systémique de milliers d’abus sexuels — dont les victimes sont à 80 % des garçons de moins de 18 ans, dit un cardinal allemand évincé par le pape François en 2017.
Au-delà des gestes pédophiles — dont on parle encore aujourd’hui comme le fait de quelques « âmes égarées » —, c’est cette « culture du secret » qu’il faut urgemment dénoncer. Mais ce n’est pas tout. Le « code du placard » — basé, lui, sur une immense misère sexuelle — n’est pas la seule chose qui explique pourquoi l’agression sexuelle est devenue un trait dominant de l’Église catholique. Il y a une raison plus profonde encore : l’exclusion des femmes. C’est cette discrimination obtuse, au coeur même de sa fondation, qui explique le mieux la tare fondamentale qui avilit l’institution millénaire aujourd’hui.
« Bien avant le célibat ou la répression sexuelle, c’est l’interdiction des femmes aux rangs supérieurs de l’Église qui fournit l’ultime justification des abus perpétrés », écrit l’essayiste américaine Alice McDermott. Pourquoi ? Parce que l’exclusion des femmes est la négation la plus visible et certainement la plus constante de la morale promue par l’Église. Comment prétendre que nous sommes tous les « enfants de Dieu » si la moitié de l’humanité est exclue des rangs ? « Si une vie, une personne, a plus de poids qu’une autre alors, “l’autre”, la moindre, n’est plus vue comme essentielle », écrit l’auteure d’un texte d’opinion publié dans le New York Times(« Pourquoi la prêtrise a besoin des femmes »).
Depuis que Saint Thomas a dicté que la femme était « subordonnée à l’homme » et que saint Augustin a déclaré que seuls les hommes sont « à l’image de Dieu », les leaders ecclésiastiques ont entériné l’idée que « la vie des femmes et des enfants est secondaire à ceux qui sont plus méritants, plus puissants, plus essentiels, c’est-à-dire les hommes eux-mêmes », dit Alice McDermott.
Cette énormité — qui vaut certainement celle entretenue par l’islam à l’égard des femmes — doit être dénoncée, tout comme les abus sexuels. Certes, les agressions perpétrées avec impunité et arrogance sur de jeunes innocents, détruisant combien de vies au passage, ont davantage attiré l’attention. Mais il faut comprendre que l’un ne va pas sans l’autre. Il faut voir l’Église catholique tel un énorme jeu de dominos : derrière les abus à répétition se terre une homosexualité répandue et réprimée derrière laquelle se dresse le péché originel, soit l’exclusion des femmes des rangs ecclésiastiques.
Mais la masquarade a assez duré. Même en punissant plus sévèrement les prêtres agresseurs, la réhabilitation de l’Église ne saurait se passer d’une profonde remise en question de ses propres assises. La pierre sur laquelle Pierre bâtit son Église a désespérément besoin d’être revue et corrigée.
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