La culture du mensonge est une des nombreuses étiquettes qui collent à l’actuel président des États-Unis. Pour cause. Le jour de son assermentation, Donald Trump a menti sans vergogne au sujet de la grosseur de la foule, malgré des photos de l’événement relatant une tout autre version des faits. Depuis, n’écoutant que son ego ou ce qui titille son public, il aurait menti, selon le Washington Post qui a créé Fact Checker, un outil informatique spécialement conçu pour répertorier les fabulations du président, huit fois par jour en moyenne.
Le 5 juillet dernier, particulièrement inspiré, le chef de la Maison-Blanche aurait déclaré pas moins de 79 faussetés. Ce qui donne, au dernier jour recensé, 4713 menteries après 592 jours en poste. En fait, plus Trump est au pouvoir, plus il ment. Au sujet de l’immigrationnotamment, son sujet de prédilection, mais aussi sur ses prétendus exploits économiques, tant personnels que présidentiels.
Non seulement Donald Trump est un fieffé menteur, mais l’homme s’entoure de ses pareils. « Si l’enquête menée par Robert Mueller démontre quelque chose, écrit le New York Times, au-delà du degré d’ingérence russe dans l’élection américaine, c’est que M. Trump s’est entouré de gens pour qui le mensonge est une seconde nature ». Un avocat du président, Michael Cohen, aurait même menti après s’être engagé, en promettant sa collaboration au procureur Mueller, à ne plus mentir.
Mais le plus incroyable dans cette vaste saga américaine n’est pas tant l’étendue des fausses déclarations, des demi-vérités et des insultes qui tapissent, chaque jour un peu plus, les murs de la Maison-Blanche. C’est qu’alors que médias et citoyens assistent pantois à ce spectacle véreux, Donald Trump, lui, en sort indemne. Du moins, pour l’instant. Ce qui normalement aurait discrédité tout autre politicien favorise Trump, en fait, vis-à-vis de sa base électorale. La malhonnêteté, dans son cas, est payante. Ses pitreries et ses mensonges ont contribué à le faire passer pour un défenseur de l’ouvrier malmené, de l’homme (blanc) humilié, ce qui non seulement a participé à le faire élire en 2016, mais contribue à le maintenir en selle aujourd’hui.
On n’a pas fini de tirer les leçons de cet avachissement moral — tant pour les médias forcés de le « couvrir » que pour les citoyens appelés à le subir. Heureusement, il y a la France, qui nous offre une tout autre leçon. Après avoir induit la population en erreur, Emmanuel Macron se voit, lui, soudainement forcé de changer de « cap ». Devant la colère des gilets jaunes, la superbe de celui qui prétendait remettre le pays « en marche » en prend pour son rhume. Tout indique que la hausse du prix du carburant, principale revendication des manifestants, sera bel et bien abandonnée.
Évidemment, il ne s’agit pas ici de la même culture du mensonge. Donald Trump et Emmanuel Macron ne boivent pas à la même fontaine, c’est clair. Le président français a tout simplement agi comme tant d’autres politiciens avant lui : il a promis des réformes qu’il a ensuite reniées. Après s’être drapé dans l’idée d’une « démocratie participative » et de la lutte contre les inégalités, Macron, en réduisant les impôts des plus fortunés tout en diminuant les services pour l’ensemble des contribuables, s’est transformé en « président des riches ». Son « aveuglement monarchique », alors qu’il prétendait que lui seul avait la réponse, n’a fait qu’aggraver ce « déni d’égalité ».
Le mensonge ici est plus subtil, convenons-en, et souvent dissimulé derrière le dilemme perpétuellement cornélien de l’administration publique. Emmanuel Macron d’ailleurs maintenait, hier encore, qu’on l’acculait à un choix impossible : la « fin du mois » ou la « fin du monde ». Seulement, la querelle qui étreint aujourd’hui l’Hexagone n’est pas tant le refus de la transition énergétique que la perception d’injustices sociales toujours plus importantes. « Cette nouvelle taxe fait déborder le vase parce qu’au final, ce sont toujours les mêmes qui trinquent », dit un manifestant de Rouen.
Et le Québec ? Inscrit à l’enseigne du ni-ni, lui aussi, « ni à droite ni à gauche », uniquement branché sur le pragmatisme et la volonté populaire, le gouvernement Legault risque de tomber dans le même piège que le gouvernement Macron : le piège du « en même temps ». Cette prétention de pouvoir tout faire, de pouvoir réparer l’environnement tout en développant l’économie, de pouvoir « améliorer les services » tout en réduisant la machine qui les dessert, est un mensonge dont le public est de moins en moins dupe. De la même façon que les disparités sociales ont réussi à exposer le conservatisme latent du gouvernement Macron, ici, la détérioration de l’environnement risque de déculotter le gouvernement de la même manière.
« Parler des deux côtés de la bouche », sans être un mensonge de la magnitude de Donald Trump, est quand même une façon de ne pas dire la vérité.
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