Novembre 2018 représentera-t-il pour l’environnement ce qu’octobre 2017 constitue désormais pour le harcèlement sexuel ? Un tournant, un grand ras-le-bol, un soudain sentiment de responsabilité, voire de culpabilité, le tout rehaussé d’un star power inouï ?
À la suite du lancement du « pacte de transition écologique », tout indique, au Québec tout au moins, une prise de conscience importante. Encore aux dernières élections, le souci de l’environnement traînait loin derrière la santé, l’éducation et même l’immigration pour l’ensemble de l’électorat. Or, quelque 180 000 signataires et des dizaines de milliers de manifestants à Montréal et ailleurs, un samedi frisquet de novembre, doivent bien vouloir dire quelque chose.
Le pacte, lancé par Dominic Champagne et (grande) compagnie, a plusieurs mérites. Celui, d’abord, de forcer la main d’un gouvernement qui, ici comme ailleurs, n’a jamais prêté beaucoup d’attention à l’environnement, en poussant, et c’est l’ingénuité de la chose, sur l’engagement citoyen. Reconnaissant que nous sommes tous plutôt fainéants en matière environnementale — tout le monde opine du bonnet mais personne ne bouge —, l’intention ici est de motiver les gens à agir pour que les politiciens se sentent obligés d’agir à leur tour.
On verra, selon la formule consacrée du premier ministre Legault, quel effet aura la pression populaire. Mais, en attendant, et c’est un autre aspect important de cette initiative citoyenne, la conversation emprunte une tout autre avenue. Nous ne sommes plus ici dans les prévisions scientifiques, l’énumération dantesque de la fonte des glaces, la disparition des espèces, l’érosion des sols, les orages violents, les réfugiés climatiques… On quitte l’avenir apocalyptique qui nous attend, et les charges contre le système capitaliste qui nous y mène, pour examiner, concrètement, ce qui peut être fait par chacun d’entre nous. Maintenant. On passe « de la parole aux actes », d’un futur hypothétique à un présent on ne peut plus réel.
La réalité d’aujourd’hui est la suivante : chaque individu, petit ou grand, pauvre ou riche, laisse une trace sur Terre, une « empreinte carbone » que nous ne pouvons plus feindre d’ignorer. Faites le test (les calculateurs de carbone pullulent en ligne). C’est passablement perturbant. Déconde constater, malgré vos habitudes assidues de recyclage, votre consommation de viande franchement insignifiante et votre amour du vélo, qu’il faudrait néanmoins 2,5 planètes pour subvenir à vos besoins. Oui, bien sûr, l’industrie lourde pollue bien davantage et certains pays bien plus que d’autres. Mais à quoi sert ce genre de calcul ? Ce relativisme politique nous mène tout droit à Maxime Bernier et à des élucubrations du genre « le CO2 nourrit les plantes », ou encore à Justin Trudeau qui investit dans l’oléoduc tout en professant son amour de l’environnement.
Un des grands mérites du pacte de transition est de nous obliger justement à penser différemment, voire à élargir la conscience humaine. L’être humain a été conçu, jusqu’à maintenant, en trois dimensions : le physique, le mental et le spirituel. La sensibilité écologique ajoute une autre façon de se concevoir dans le monde. Il ne s’agit pas seulement de la relation que nous entretenons vis-à-vis de nous-mêmes, en d’autres mots, mais d’une relation que nous entretenons avec l’extension de nous-mêmes, avec ce qui est vivant autour de nous, une notion que seuls les Autochtones ont entretenue jusqu’à maintenant, mais sans nécessairement la traduire de façon toujours très concrète.
En rappelant que la plupart des gestes que nous posons innocemment tous les jours (laisser les lumières allumées, acheter des asperges du Pérou…) ont une incidence sur l’environnement, le pacte nous force à calculer nos pas différemment et, surtout, à penser globalement. Or, cette surconscience écolo, cette intuition de ce qui est plus grand que soi-même et, en même temps, de ce bas monde, est assez nouveau pour la conscience humaine.
Finalement, le pacte nous convie à une grande tâche collective, à accomplir quelque chose tout le monde ensemble. La dernière fois que j’ai senti l’effervescence de la danse en ligne, ce sentiment qu’on est des milliers à vouloir la même chose en même temps, c’était lors de l’éclosion du mouvement des femmes il y a 40 ans. Il y a eu d’autres grandes envolées collectives, bien sûr, le Québec étant plutôt spécialiste en la matière, mais disons qu’il y a un bail qu’on ne s’est pas serré les coudes pour « changer le monde ».
Essayez-le pour voir. Individuellement et collectivement, ça fait un bien fou.
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