Malgré des appuis chancelants, Martine Ouellet semble plus décidée que jamais à refaire le Bloc québécois à son image. C’est du moins ce qui ressort des questions référendaires qui devront être soumises aux membres début juin. Première question : « Le Bloc doit-il être le promoteur de l’option indépendantiste en utilisant chaque tribune et chaque occasion pour démontrer la nécessité de l’indépendance… ? » Oui ou non. Aucune référence ici à ce qui a caractérisé le parti depuis au moins 20 ans, soit la « défense des intérêts du Québec », et qui est au coeur de la controverse qui tourmente le parti. Cap, plutôt, sur la promotion souverainiste au pas de l’oie. Peu importent le lieu, le contexte ou l’auditoire, à Ottawa comme à Québec, au Parlement comme dans la rue, on y va d’un bon « un, deux » !
Aucune concession, non plus, au fait que le vote de confiance envers la chef, la deuxième question à être posée aux membres, devrait normalement se situer au-dessus de 75 %. Martine Ouellet, elle, se contentera de 51 %.
On reconnaît ici l’approche téméraire de la députée de Vachon, son entêtement olympique, cette curieuse déconnexion de son entourage immédiat, certains diraient de la réalité, afin de poursuivre une bien belle idée, certes, la souveraineté, mais qui peut ressembler à une simple marotte tant l’approche ici est rigide, automatique et sans relâche. Sans contenu, aussi. Avec une telle démarche, qui, au juste, pense-t-elle convaincre ?
Pourtant, des femmes aussi passionnées et compétentes que Martine Ouellet, il nous en faut. Tout se passe comme si Mme Ouellet avait décidé de combler les lacunes dites féminines, le manque d’assurance et d’estime de soi, la peur de l’affrontement et de l’adversité, en agissant tout à fait à l’opposé, en étant plus dure, plus sûre et plus intransigeante que n’importe quel homme. Lorsqu’on la compare à Mario Beaulieu, pourtant pur et dur lui aussi, on voit déjà la différence. Sentant la soupe chaude aux dernières élections, M. Beaulieu n’avait pas hésité à céder la direction à Gilles Duceppe. Mme Ouellet, elle, ne cédera la place qu’en tombant sur son épée.
Il est toujours fascinant de voir les Jeanne d’Arc de ce monde, les pasionarias et les croisés, comme Martine Ouellet, s’exécuter sur la place publique. Cette façon d’être scrupuleusement attentif à la petite voix intérieure, à sa propre vision du monde mais à l’exclusion de tout le reste, est chose impressionnante en soi. La chef du Bloc aurait été une artiste qu’on l’applaudirait à tout rompre. Malheureusement pour elle, elle a choisi un métier où la conciliation, le compromis et le don de soi sont de rigueur. La politique, disait jadis Jacques Parizeau, est un « concert d’orteils ». On est constamment entouré, sollicité, dans l’obligation d’aller vers l’autre, en évitant de piler sur les pieds, justement, et en tentant d’amadouer le plus grand nombre.
Ce besoin de concilier l’inconciliable, de mettre de l’eau dans son vin, est précisément ce qui permit au Bloc de se maintenir à Ottawa. Le parti de Lucien Bouchard devait plier bagage, rappelons-le, au plus tard deux ou trois ans après le dernier référendum — à plus forte raison advenant un non. Ayant perdu sa raison d’être, c’est-à-dire aider à mettre en place les modalités souverainistes dans l’enceinte fédérale, le petit parti indépendantiste a muté, sans d’ailleurs jamais consulter personne là-dessus, en parti nationaliste. Mine de rien, il s’est mis à défendre poliment, respectueusement, les « intérêts du Québec » à Ottawa. De la même façon que la grande majorité des Québécois sont nationalistes sans nécessairement être indépendantistes, le Bloc s’est mis au service du plus grand nombre, tout en respectant l‘enceinte de la démocratie canadienne où il avait décidé de s’accrocher les pieds. Tant qu’à rester à Ottawa, pouvait-il vraiment faire autrement ?
On est à mille lieues ici de la promotion souverainiste tous azimuts défendue par Martine Ouellet. Sans égard à ce qui se passe à Québec, un non-sens en partant, sans égard non plus au Parlement canadien, la chef du Bloc a décidé, elle, de chasser les moumounes du temple pour mieux imposer sa vérité. Est-ce vraiment du courage ou seulement du narcissisme mal placé ? Après des mois de pathos et de rebondissements, il n’y a plus que l’impudente députée qui est dupe de ce spectacle. Si la Jeanne d’Arc de l’Histoire a aidé sa cause en y laissant sa peau, Martine Ouellet n’aide malheureusement ni la sienne ni personne, encore moins elle-même, en jouant la martyre.
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