Le nouveau plan pour « la réussite scolaire » a été annoncé tambour battant cette semaine, performances vidéo à l’appui. Les derniers sondages agissant comme de véritables éperons, le gouvernement Couillard — le même qui, il n’y a pas si longtemps, coupait 1 milliard en éducation, selon les syndicats d’enseignants — embrasse aujourd’hui l’école québécoise avec effusion.
Les membres de l’opposition ont dénoncé un manque de « propositions concrètes », mais c’est le manque d’analyse qui, personnellement, me saute aux yeux. Quelqu’un pourrait-il nous dire pourquoi le Québec demeure le cancre de l’éducation au Canada ? Après tout, nous ne sommes ni plus pauvres que l’Île-du-Prince-Édouard ou le Nouveau-Brunswick ni moins éclairés que l’Ontario ou la Colombie-Britannique et, pourtant, ils nous battent tous pour ce qui est du taux de diplomation au secondaire. Toutes les provinces, à l’exception de l’Alberta, font mieux que le Québec, en fait. Une leçon d’humilité.
Après le mystère de notre système de santé (pourquoi diable traînons-nous toujours de la patte en ce domaine ?), voici donc le mystère de l’éducation. Le Québec n’a pas une économie de ressources naturelles, comme en Alberta, ou une importante communauté autochtone, comme au Yukon, qui contribuent à tirer les jeunes des bancs d’école. Et pourtant, tout se passe comme si, 50 ans après le rapport Parent, il y avait par rapport à l’éducation non plus un problème de moyens, mais un problème de culture.
Évidemment, il est impossible de parler d’échec scolaire sans parler des réformes successives qui ont tétanisé nos bancs d’école. L’échec cuisant de la réforme de 2000où des concepts vaseux (« adopter un mode de vie sain ») sont venus supplanter la transmission de connaissances est un exemple patent. Un exemple qui devrait d’ailleurs faire réfléchir le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, qui a tendance à vouloir enguirlander l’école du dehors — place aux beaux espaces et aux petits plats mijotés — plutôt qu’à l’approfondir du dedans.
Si l’objectif est d’augmenter la diplomation de 74 à 85 %, peut-être faudrait-il alors s’attaquer au problème que personne ne veut nommer ? Le décrochage masculin. Car les filles, elles, sont déjà dans la moyenne canadienne (85 %), alors que les garçons traînent de la patte à 73 %. La réussite des filles n’a rien de nouveau et n’est bien sûr pas propre au Québec. Leur prédisposition, sinon naturelle, du moins solidement ancrée pour la lecture et l’écriture, pour ne rien dire de rester assises quand on le leur impose, leur donne, partout au monde, un avantage à l’école. Mais il y a plus.
Dans un lieu qui fait tout un plat de l’égalité hommes-femmes, oui, le Québec, on s’aperçoit que ce sont de vieilles notions de masculinité qui sont en train de saper la réussite du sexe fort. Plusieurs études le démontrent, « pour de nombreux garçons, il n’est tout simplement pas cool de réussir à l’école ». Une certaine identité masculine militerait carrément contre la réussite scolaire. Une étude menée par l’Université Laval et la Centrale des syndicats du Québec en 2003 démontre que 88 % des ados interrogés souscrivent aux stéréotypes sexuels du genre, « un garçon est plus populaire quand il est indiscipliné en classe ». D’autres études plus récentes disent essentiellement la même chose.
Ce n’est pas uniquement une question de sexe, bien sûr, la question de classe sociale intervient largement pour ce qui est de l’intérêt qu’un jeune porte à l’école. Mais ce qui frappe ici, c’est que, près de 50 ans après la révolution féministe, les vieux stéréotypes sexuels collent deux fois plus aux garçons qu’aux filles et, surtout, qu’ils sont la raison principale de leur échec scolaire. « On a été capable de vérifier statistiquement que plus un élève adhère à ce genre de stéréotypes, moins ses résultats scolaires sont bons », dit un des responsables de l’étude citée ci-dessus.
On a donc ici une autre illustration de ce qui a été si crûment illustré par l’élection de quelqu’un qui, lui non plus, ne s’est jamais plu à l’école, Donald Trump. Bon nombre d’hommes et/ou garçons, majoritairement de milieux défavorisés mais pas seulement, n’ont pas compris qu’il fallait changer, pas seulement leur type d’activité, mais également leur façon de penser pour survivre. Ils n’ont pas compris ce que la grande majorité des filles et des femmes, elles, comprennent instinctivement, qu’on ne peut pas simplement continuer comme avant.
Pourquoi, maintenant, ces stéréotypes sexuels apparaissent-ils plus tenaces au Québec qu’ailleurs au pays ? Le véritable mystère, il est là.
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