« C’est comme si on nommait un pyromane au poste de pompier en chef. » L’élection de l’Arabie saoudite à la Commission des droits des femmes de l’ONU soulève l’indignation depuis une semaine. Une pétition circule d’ailleurs pour exiger l’annulation du vote. Comment le « régime le plus misogyne au monde » peut-il devenir membre d’un comité voué à « la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes » ?
L’Arabie saoudite est le seul pays qui interdit la conduite automobile aux femmes en plus d’exiger qu’elles soient parrainées par un homme à tous les moments de leur vie. Un homme décide si une femme peut étudier, travailler, voyager, se marier et, même, avoir accès à des soins de santé. Une première rencontre du « Conseil des filles », tenue le mois dernier à Riyad, photos et tambours publicitaires à l’appui, montre 13 hommes en tenue royale, et aucune femme. Les femmes n’étaient pas exclues, disent les autorités, seulement « confinées dans une salle à part ». Sans photographe, il va sans dire.
Alors, je repose la question, comment le royaume de la ségrégation envers les femmes a-t-il pu être admis à ce haut lieu féministe ? Le vote était secret et aucun des 54 pays membres, dont le Canada, n’a tenu à divulguer son choix — à l’exception de la Belgique, qui dit avoir voté oui « par erreur ». Mais comment est-ce donc possible que la très grande majorité (47 sur 54) ait voté en faveur du régime saoudien ?
« Parce que la politique et les pétrodollars l’emportent sur les principes »,dit le directeur d’UN Watch, Hillel Neuer. C’est l’énorme influence de l’Arabie saoudite au sein de l’ONU qui lui permet d’ailleurs de siéger, depuis déjà 10 ans, à la Commission des droits de la personne. Autre absurdité à laquelle le Canada, à l’époque, ne s’est pas opposé. Le Canada, comme plusieurs pays européens, est un important vendeur d’armes au royaume des Saoud. Ce genre de tour de passe-passe arrange en fait un peu tout le monde. Il confère une légitimité aux régimes autoritaires tout en légitimant le choix des pays démocratiques de faire affaire avec ces mauvais garçons.
Si vous croyez que ce genre d’intronisation peut avoir un effet d’entraînement, argument souvent servi dans des cas pareils, détrompez-vous. « Dix ans à la table de la commission chargée de protéger les droits de la personne n’ont absolument rien changé en Arabie saoudite », dit M. Neuer, dont l’organisme agit comme chien de garde des activités humanitaires de l’ONU. Le pays détient toujours la palme des détentions et des exécutions sommaires, en plus de s’être rendu coupable de violations des droits humains envers les Yéménites, pour ne rien dire de l’emprisonnement de Raif Badawi et de l’arrestation de Manal al-Sherif, la Saoudienne qui a mené en 2011 une campagne Facebook pour apprendre aux femmes à conduire. Une telle décision ne fait que « démoraliser les Badawi et al-Sherif »,de préciser le directeur d’UN Watch. Le régime ayant désormais été sanctifié par la communauté internationale, ces victimes peuvent s’attendre à croupir dans l’isolement encore plus longtemps.
La grossière hypocrisie d’un pays qui prétend que, chez lui, les femmes « sont gâtées » car « elles ont toujours un chauffeur pour s’occuper d’elles » ne devrait pas faire oublier que, chez nous aussi, l’hypocrisie existe. En ce qui concerne l’environnement, en tout cas, c’est à tomber par terre. Après s’être fait une belle jambe sur la scène internationale, exigeant lors du Sommet de Paris une baisse du réchauffement climatique admissible (1,5 plutôt que 2 degrés), le gouvernement Trudeau n’a de cesse aujourd’hui de retourner sa veste.
D’abord, en étant d’accord avec la construction de trois importants pipelines (Trans Mountain, Enbridge et Keystone XL), Trudeau donne le feu vert à l’extraction massive de sables bitumineux garantissant, du même souffle, que les cibles qu’il a lui-même choisies seront inatteignables. Le gouvernement vient ensuite de renier son engagement à réglementer les émissions de méthane, « un gaz à effet de serre au moins 25 fois plus puissant que le CO2 », se conformant ainsi au laisser-faire environnemental prôné par Donald Trump.
« Trudeau dit toujours ce qu’on veut entendre […] et Dieu sait qu’il est agréable à regarder, dit l’environnementaliste américain Bill McKibben. Mais en ce qui concerne les changements climatiques, il est le frère de l’homme orange à la Maison-Blanche. » Mais, précise-t-il dans une lettre ouverte (« Arrêtez de vous pâmer pour Trudeau, il est un désastre pour la planète »), en plus hypocrite.
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