Ariane Litalien et Mélanie Lemay, deux jeunes femmes très crédibles, sympathiques, à mille lieues des « nunuches » qui, croit-on, ont le don de se mettre dans de beaux draps, livraient à Tout le monde en parle, dimanche dernier, un témoignage K.-O. Un peu comme celui qu’on espère entendre, ce mercredi soir même, de Hillary Clinton qui doit faire face pour une troisième et dernière fois à son ours mal léché, Donald Trump.
Victimes d’agression sexuelle, les deux femmes ont dit combien elles ont eu de la difficulté à se faire prendre au sérieux. « T’es sûre que t’es pas en train de te venger de ton ex ? », demande un policier à Mélanie Lemay. Le genre de sous-entendu qui attendait les étudiantes de l’Université Laval, cette semaine, à la suite de leurs propres plaintes pour inconduite sexuelle. Il aurait fallu fermer vos portes à clef, mesdames. Et le premier ministre lui-même d’en rajouter en jouant le Ponce Pilate : « C’est leur responsabilité », a dit Philippe Couillard, en pelletant dans la cour des universités.
Au moment où l’on croit faire de grands pas en ce qui concerne la violence sexuelle (merci Donald Trump, Jian Ghomeshi, Marcel Aubut, Bill Cosby…), où l’on pense voir le début du commencement d’une notion de ce que c’est que de se faire sauter dessus, on voit combien, encore une fois, on part de loin. Pourquoi est-ce donc si compliqué ? Pourquoi malgré les plans d’action, les politiques, les milliers de mains sur le coeur professant la valeur suprême de l’égalité hommes-femmes… est-on toujours à refaire la roue ?
Et pourquoi, puisqu’on y est, les plaintes ont-elles chuté de 35 % ? Selon Statistique Canada, seulement 5 % des femmes victimes d’une agression sexuelle ont porté plainte en 2014, comparativement à 8 % dix ans auparavant. L’agression sexuelle est déjà le crime le moins rapporté, pas besoin d’en rajouter. Où sont les Ariane, Mélanie et Kimberley Morin de ce monde ? « C’est signe que les préjugés sont tenaces », dit la directrice du Regroupement des maisons d’hébergement, Manon Monastesse. Et comment.
Mais disons, d’abord, qu’il y a un paquet de gens dans nos ministères qui dorment au gaz. Au Québec, il existe depuis 1995 un « comité interministériel sur la violence conjugale, familiale et sexuelle ». Cette structure inclut une douzaine de ministères, de la Solidarité sociale à la Condition féminine en passant par la Justice et l’Éucation, qui, chacun, doit voir à appliquer « la prévention, la promotion égalitaire, l’intervention psychosociale et judiciaire » en ce qui concerne la violence faite aux femmes. Est-ce parce que l’initiative était celle d’un gouvernement péquiste que Philippe Couillard se sent autorisé à lui tourner le dos ? On peut d’ailleurs se demander si les coupes de son gouvernement n’ont pas fini par complètement neutraliser cette initiative.
Et puis, bien sûr, les fameux préjugés. Les femmes ont peur d’être jugées, mal accueillies, ridiculisées. Et « parce qu’on est en 2016 » n’y change pas grand-chose. Les femmes qui osent hausser le ton, réclamer leur voix au chapitre se font parfois violemment rabrouer. Tenez, un partisan de Trump, Dan Bowman, vient d’invoquer l’assassinat de Hillary Clinton en ondes : « Clinton needs to be taken out » (On doit éliminer Clinton). Autre exemple dégoulinant d’actualité : à la suite de la publication deLes Superbes, un ouvrage collectif sur « le succès et les femmes », un certain Vincent Olivier (photo à l’appui) vient de twitter : « wow malade ! de l’au-delà Marc Lépine a mis à jour sa fameuse liste #lol ». Parlant de l’homme de Polytechnique, un admirateur anonyme m’envoie la photo de Lépine environ toutes les trois semaines au Devoir.Drôle à mourir.
On veut bien croire qu’il y a là-dedans le phénomène de la petite vermine qui prolifère dans les coins sombres et marécageux des réseaux sociaux. Mais quand on est à invoquer le meurtre de femmes à visière levée, même si prétendument à la blague, l’égalité si chère à nos coeurs (et valeurs) est peut-être moins acquise qu’on le pense. De jeunes hommes ne se croiraient pas autorisés à arracher les vêtements de leurs consoeurs lors d’initiations universitaires ou à s’introduire dans leur chambre la nuit si le mépris des femmes ne courait pas toujours les rues. Les ours mal léchés sont malheureusement plus nombreux qu’on le pense.
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