« J’ai choisi ma famille. » Surprenant tout le monde, maîtrisant mal ses émotions, le chef péquiste Pierre Karl Péladeau a décidé de lancer la serviette et, ce faisant, de se faire respecter, voire aimer, comme jamais. Bien plus que son arrivée en politique le poing en l’air, c’est sa sortie la larme à l’oeil que l’histoire retiendra. Comme si, n’ayant pas trouvé l’amour qu’il cherchait dans l’arène publique, PKP choisissait l’amour qui lui reste encore, celui de ses enfants, à défaut de sa partenaire et bénévole en chef, sa Julie des beaux jours.
Cependant, tout le monde qui a vu les images du chef démissionnaire aura remarqué combien l’homme avait l’air misérable. Émotif, c’est une chose, torturé, c’en est une autre. Qui ou quoi lui tordait le bras ? Et que peut bien vouloir dire cette énigmatique« absence d’alternative » à laquelle il fait référence ? A-t-il vraiment été frappé par le bel exemple de parentalité que son ex-compagne a tenu à donner, la veille, à TLMEP ? Ou lui a-t-on tout simplement servi un ultimatum au cours du week-end ? La question se pose étant donné le changement radical de M. Péladeau en l’espace de quelques jours. Car on le disait moins stressé, beaucoup moins préoccupé depuis sa rupture en janvier, plus enclin aussi à mordre à pleines dents dans le métier ardu de chef de parti. Que s’est-il donc passé entre vendredi et lundi ?
Je ne remets pas du tout en doute la sincérité de M. Péladeau à vouloir le bien de ses enfants — ce qui est d’ailleurs tout à son honneur. Seulement, le fameux« changement de moeurs » qui expliquerait ce dénouement-surprise n’est peut-être pas exactement celui qu’on pense. Le changement ne commence pas avec PKP, à mon avis, mais avec celle qui avait, elle aussi, de grandes ambitions : sa compagne depuis 15 ans, Julie Snyder.
S’il y a quelque chose à retenir du témoignage de Mme Snyder à TLMEP, c’est moins le « défi » de la médiation de couple ou encore sa dévotion envers Pierre Karl. Le passage le plus marquant, certainement le plus émotif, c’est lorsqu’elle parle du prix à payer à être la compagne de l’homme fort de Québecor et dénommé sauveur du PQ. Faisant référence à sa maison de production, l’animatrice dit : « Mais j’ai fondé cette boîte pour être indépendante ! » Sa description d’elle-même après la course à la chefferie, accrochée à une cigarette et un café, se demandant « je suis qui, moi ? » est une pièce d’anthologie pour ce qui est des nouveaux rapports amoureux dans l’ère de l’égalité hommes-femmes. Mine de rien, devant son ami Guy A., Julie a fait l’inventaire de tout ce que lui avait coûté son alliance avec PKP : la perte de crédits d’impôt pour sa boîte de production, ensuite un engagement à temps plein (et bénévole) comme la femme de l’autre et, finalement, la cerise, un statut ambigu au sein de l’empire Québecor à cause de l’entrée en politique de son chum.
Ne vous demandez pas pourquoi le mariage de conte de fées entre la reine de TVA et l’aspirant roi du « projet de pays » n’a duré que cinq mois. Il fallait que les tensions dans le couple précèdent de beaucoup le passage en politique. Le défi de se réaliser soi-même tout en ne sacrifiant rien de sa vie de couple, de sa famille, est ce qui pend au bout du nez de la majorité des femmes depuis 25 ou 30 ans. Julie Snyder semble avoir décidé qu’elle ne serait plus la seule à faire des compromis déchirants, qu’elle ferait une femme de ce réputé dur à cuire qui a l’habitude de ne faire qu’à sa tête, qu’elle l’obligerait à sacrifier à son tour une partie de son identité : son rêve de mener le PQ à bon port. Après tout, elle aussi s’est sentie investie d’une mission, raconte-t-elle à TMLEP, celle de devenir la « numéro un » du divertissement à TVA. Et comment ne pas remarquer qui des deux, entre la femme du divertissement et l’homme de la politique, excellait dans son rôle ?
Loin d’être une déclaration d’amour à rebours, comme certains ont considéré l’entretien, c’est plutôt à une habile reddition de compte à laquelle s’est livrée Julie Snyder, devant un auditoire gaga, dimanche dernier. Sans doute un brin cruelle envers son ex et un exemple de manipulation hors pair, la manoeuvre a le mérite de mettre à nu le nouveau désordre amoureux de bien des couples d’aujourd’hui. On dit de la politique qu’il s’agit d’un sport extrême, on oublie de dire que les compromis exigés le sont aussi. Et que les femmes sont toujours plus nombreuses à porter ce fardeau. Grâce à la saga Snyder-Péladeau, on ne pourra plus jamais parler de conciliation travail-famille de la même façon.
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