Les changements climatiques ont décentré le pôle Nord de 75 degrés. Le saviez-vous ? Dû à une fonte de glace record, « la planète se déplace sur son axe vers la masse disparue », dit le National Geographic. On ignore pour l’instant les conséquences d’un tel désaxage mais pour ce qui est de s’étouffer dans son café le matin, c’est réussi. Pas une semaine qui passe sans son lot de catastrophe environnementale. La toute dernière ? « Plus du tiers des récifs coralliens sont menacés ». Les coraux, qui sont en fait de minuscules animaux, fournissent la nourriture pour le quart des espèces marines, une manne qui nourrit un milliard d’individus sur la planète. « Ça annonce une crise planétaire énorme et nous mettons la tête dans le sable », dit l’expert australien Justin Marshall, joignant les rangs des scientifiques au bord de la crise de nerf.
Il faudrait pouvoir compter le nombre de fois où l’alarme a été sonnée, depuis le préscient Silent Spring (1962) de l’américaine Rachel Carson, sans que rien ne bouge pour autant. Au cours des 60 dernières années qu’est-ce qui a changé vis-à-vis l’environnement ? L’interdiction de certains pesticides (grâce à Carson, notamment), le recyclage (mais sans résultats probants) et plus d’argent voué aux transports collectifs. Gros bilan. Le seul vrai changement, le seul qui risque d’affecter nos vies, c’est la conscience que nous avons tous de la dégradation planétaire. Ce n’était pas le cas il y a 20 ans. Je me demande parfois comment cette lourde conscience joue sur la psyché humaine. Savoir qu’on est en train de détruire des milliers d’espèces, d’inonder des villes, d’assécher des contrées entières, est-ce l’équivalent de savoir que la KGB cherche votre voisin sans l’en avertir, que votre grand-père saute votre petite soeur sans rien faire ? Il doit bien y avoir un prix à payer à détourner le regard, à ne pas agir, alors que tant de choses vivantes sont en danger.
Selon l’écologiste David Suzuki, le plus grand obstacle à une solution environnementale n’est ni économique, ni technologique, ni scientifique. Elle est psychologique. À l’exception des Amérindiens, les habitants de la Terre n’ont jamais perçu leur planète comme une matrice, une partie d’eux-mêmes, mais plutôt comme une matière à exploiter. « Nous nous sentons fondamentalement déconnectés de la nature et, par le fait même, non responsables des conséquences écologiques de nos gestes ». Même lors du sommet de Paris, malgré l’urgence manifeste, on cherchait des façons de poursuivre l’exploitation pétrolière, dit Suzuki. Signe d’une déconnexion patente. Bref, sans changer de mentalité, sans passer de conquistadors à amoureux de la nature, nous failliront à la tâche de nous sauver des eaux.
Ce qui m’amène au NPD et son manifeste du bond en avant. On a beau rouler de la paupière, juger trop radicale l’interdiction de pipelines, c’est la meilleure chose qui pouvait arriver au NPD. D’abord, le manifeste repose sur l’idée encore trop peu exploitée de joindre la justice sociale à l’environnement. « S’occuper les uns des autres et s’occuper de l’environnement pourrait devenir les secteurs les plus vigoureux de l’économie », écrit-on. Il y a longtemps que la gauche n’a pas fourni de nouvelles idées. En voilà une. Deuxièmement, rien n’importe plus que d’opérer cette fameuse transition vers une économie verte. Tous les partis politiques le savent et, en même temps, tournent le dos au consensus scientifique concernant l’exploitation pétrolière. Personne veut mettre la hache dans un secteur aussi lucratif, comme l’a bien démontré la première ministre albertaine, Rachel Notley, plaidant pour plus de "charité" envers les travailleurs du pétrole.
Malgré ces tiraillements, le NPD est beaucoup mieux placé que tout autre parti pour s’attaquer à la question de l’heure. La répudiation de Thomas Mulcair simultanément à la mise à l’étude du manifeste ont spectaculairement remis les pendules à l’heure. Plus question de renier ses principes au nom de l’aléatoire poursuite du pouvoir. Pour ce qui est des fortunes du NPD, on sait maintenant que l’anomalie n’est pas la déroute des dernières élections mais bien l’étonnante réussite de 2011. Une victoire liée bien plus à la politique québécoise (dont l’effondrement du Bloc) que l’attractivité du NPD comme telle.
Le NPD revient donc à la case de départ mais avec une formidable tâche à accomplir. Il pourrait devenir le phare dans le bourbier environnemental actuel. Alors que tous les autres partis sont pris avec des contradictions énormes, il pourrait donner un sens à ce qui n’en a pas encore assez.
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