Donald Trump, Denis Coderre, Colette Roy, Amir Khadir, Véronique Hivon, Bernie Sanders, Alexis Tsipras, Jeremy Corbyn. Qu’ont tous ces politiciens en commun ? L’authenticité. On peut les aimer ou non, les croire promis à un brillant avenir ou les vouer aux gémonies, on a tendance à les croire quand ils parlent. Ils ont beau dire parfois des énormités — Donald Trump s’en fait d’ailleurs une spécialité —, ils impressionnent par leur capacité d’être entièrement, et dans certains cas, férocement eux-mêmes. De plus en plus, c’est ce qui marche en politique, disent les experts. « Ce n’est pas l’expérience que vous avez qui compte, c’est votre capacité d’avoir l’air vrai. »
C’est ce qui expliquerait le succès de l’improbable candidat républicain Trump, alors que la doyenne de la scène politique, Hillary Clinton, connaît des revers. L’élection aussi du nouveau chef du Parti travailliste anglais, Jeremy Corbyn, un « radical » qui, à 66 ans, n’a pas la prétention de plaire à tout le monde et son frère. Le nouveau chef vient de cracher dans la soupe de Tony Blair, tournant le dos aux compromis centristes qui ont porté le New Labour au pouvoir de 1997 à 2010.
Curieusement, l’idée d’être fidèle à soi-même fait également partie du message de Lynton Crosby, le dénommé « Magicien d’Oz », venu sauver la campagne conservatrice des eaux. « Les gens ne votent pas pour une politique », dit l’éminence grise, responsable de la réélection des conservateurs en Grande-Bretagne. « Ils votent à partir de l’idée qu’ils se font de vous. » D’ailleurs, une évaluation des publicités de campagne publiée cette semaine montre que ce sont celles où les politiciens se dévoilent personnellement qui fonctionnent le mieux. Par exemple, les publicités du NPD attaquant la corruption chez les conservateurs ont complètement raté leur cible alors que celles où Thomas Mulcair parle de lui cartonnent.
Mais M. Mulcair aura beau multiplier les sourires et les pubs sentimentales, il aura toujours, vu son parcours tortueux libéral-néodémocrate et son penchant mi-figue mi-raisin, une côte à remonter pour ce qui est de l’authenticité. Le problème de l’homme au double prénom, c’est qu’on est jamais tout à fait sûr où il loge. Il a évidemment la tâche inimaginable de transformer le parti de la « bonne conscience » de la politique canadienne en une machine de guerre. Tout un défi. Les militants qui voient aujourd’hui d’un mauvais oeil le pragmatisme consommé de Mulcair se taisent tellement la perspective de former le prochain gouvernement est euphorisante. Mais il y a des raisons de croire que le NPD a déjà commencé à payer ce goût du louvoiement. Le parti fait du surplace dans les sondages depuis une semaine ou deux.
Dans cette lutte au coude-à-coude entre trois partis de forces à peu près égales, du jamais vu au fédéral, le Parti conservateur de Harper est le seul, en fait, qui est resté fidèle à lui-même, refusant de laisser même le cadavre d’un enfant le détourner de son refrain sur l’économie et la sécurité. L’attitude business as usual de Stephen Harper, qui a profondément choqué, a quand même eu l’heur de plaire aux militants conservateurs purs et durs qui ne veulent pas voir plus de réfugiés ici. Étonnant mais vrai, la cote de Harper a légèrement rebondi à la suite de la révélation crève-coeur que les mesures conservatrices auraient empêché la famille du petit noyé de venir au Canada. Même si « authentique » n’est pas l’adjectif qu’on utiliserait pour décrire le chef conservateur, il est du moins évident qu’il n’essaie pas d’être quelqu’un d’autre ou même de redorer le blason de son programme. Comme l’enseigne le gourou Crosby dans son cours de maître, il faut savoir rejoindre la partie de l’électorat qui va avoir un impact réel pour vous, un point c’est tout. La leçon n’a pas été perdue pour M. Harper.
Ni Thomas Mulcair ni Justin Trudeau n’ont le loisir de s’en tenir obstinément à leur électorat de base, insuffisant pour les propulser, l’un comme l’autre, en première place. De là, la multiplication de tactiques qui ne suintent pas toujours l’authenticité. Il n’y a rien de « naturel » pour un parti social-démocrate de promettre des budgets équilibrés ni pour un Parti libéral de viser plusieurs déficits en ligne. On comprend que chacun lorgne dans la cour de l’autre, mais qui dit vrai ? Qui des deux chefs croient vraiment ce qu’ils avancent ? Impossible de le dire pour l’instant et c’est bien ce qui, de plus en plus, décourage.
Le naturel, pourtant censé revenir au galop, est une denrée encore trop rare en politique et particulièrement évanescente en campagne électorale.
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