Tout sépare Amy Winehouse et Amy Schumer et, en même temps, tout les réunit. Voici deux artistes qui ont mis leur sexualité et leur vie de femme au coeur de leur art — le jazz pour Winehouse, l’humour pour Schumer — deux femmes juives qui ont puisé là aussi de l’inspiration, deux représentantes de la génération Y qui ont du talent à revendre et qui ont connu, en très peu de temps, un succès fulgurant. Seulement, l’une en est morte et l’autre est terriblement en vie. L’une, la dernière figure tragique de la condition féminine, est l’exemple à ne pas suivre ; l’autre, fraîchement couronnée d’un premier succès au box-office américain, en est la figure triomphante, l’alpha-femelle des temps modernes.
Mesdames, faites vos jeux.
La Janis Joplin de sa génération, un désespoir de femme sur deux pattes (« Take another piece of my heart now, baby ») mais avec la sexualité exacerbée d’aujourd’hui, Amy Winehouse a été trouvée morte chez elle à Londres, en 2011. Comme Joplin (aussi Jimi Hendrix, Jim Morrison, Kurt Cobain), elle avait seulement 27 ans. Empoisonnement à l’alcool, aggravé, dit le film présentement à l’affiche (Amy), par 15 ans de boulimie. Bien en chair au début de sa carrière en 2003 — comme l’est toujours sa consoeur Amy Schumer d’ailleurs —, on la voit s’étioler avec chaque année qui passe. « Voici quelqu’un qui veut disparaître », dira en voix hors champ un des interviewés du film.
C’est le moins que l’on puisse dire. Le film a le mérite d’ouvrir plus large que le credo usuel de sex, drugs and rock’n’roll pour expliquer comment cette femme est devenue l’équivalent du brasier de Lac-Mégantic un certain soir d’été. Le film montre une femme qui n’est pas seulement la victime d’un milieu en dents de scie, mais aussi d’elle-même, ainsi que des deux hommes de sa vie : son père, Mitch Winehouse, et celui qui deviendra malheureusement son mari, Blake Fielder. Avec son « Daddy’s Girl » tatoué sur l’épaule, Amy incarne la fragilité, la quête l’amour ; voue un culte à des hommes qui ne lui arrivent pas à la cheville. Scénario connu. Édith Piaf vient d’ailleurs immédiatement en tête, cette autre femme-enfant qui avait bien davantage besoin d’être aimée qu’admirée par la foule.
Trois générations séparent les deux femmes, mais comme Piaf, Winehouse fera du drame amoureux du grand art. Comme elle, elle sera ultimement consommée par sa tragédie personnelle (« Love is a losing hand, more than I can stand »). On se demande quand cela va finir, ces femmes immolées sur l’autel des désirs inassouvis.
Et voilà la pétillante, la truculente, la ronde et fière de l’être Amy Schumer qui se pointe. Juste à temps. Cette Amy-ci se moque des femmes au coeur qui saigne et plus encore des hommes épris de leur nombril. Disons qu’elle est au réseau Comedy Central ce que Jon Stewart était à son arrivée au Daily Show en 1999, une révolution en son genre.
Je l’ai découverte en me butant à un de ses sketchs qui faisait sensation sur les réseaux sociaux, Last Fuckable Day. Schumer dénonce ici la date de péremption donnée aux femmes d’un certain âge. Comment ne pas applaudir ? Dans sa série télévisée, Inside Amy Schumer, tous les stéréotypes sexuels y passent : les rêves de princesse, le besoin indécrottable des femmes de plaire, des hommes de se vanter. On rit, ça fait du bien. Comme de la voir à la une de GQ magazine, suçant l’index du robot dans Star Wars. Qui dit que les femmes ne savent pas être drôles ?
Le passage au format long métrage (Trainwreck), où Schumer signe le scénario en plus de jouer l’indomptable Amy, est à mon avis beaucoup moins réussi. D’ordinaire si caustique, Schumer s’égare ici dans la mièvrerie, comme s’il n’y avait qu’une fin digne d’Hollywood, le happy end amoureux. Même la reine de l’humour féministe cherche, au bout du compte, l’amour. Et pourquoi pas ? On en veut tous. En autant de ne pas y perdre la santé ni la vie. Et, bien sûr, l’humour.
C’est la grâce qu’on lui souhaite. Go, Amy, go.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire