« Toi, le coach de ski qui a trop de pouvoir sur tes athlètes. Toi, l’étudiant en médecine dentaire ou le médecin qui a accès au chloroforme. Toi, le douche qui travaille s’a construction… »
On pourrait ajouter ici : toi, l’adolescent qui embarre une fillette de quatre ans dans les toilettes pour l’initier à l’inimaginable…
« Ça part d’où ton affaire ? Dans ta tête, dans tes culottes, dans ta main, dans ton oeil ? C’est quoi ? Trop de circulation sanguine ? Carence de cul ? Frustration parce que tu pognes pas ? Internet te fournit pas, t’as besoin de peau ? »
Je mets ici en parallèle deux événements : l’un extraordinaire, l’autre épouvantable.
D’abord, le monologue du comédien et auteur Steve Laplante, donné lors de la soirée de clôture du festival du Jamais lu, samedi dernier. Il participait à une lecture de textes de sept hommes, une première dans son genre, inspirée par la vague de dénonciations d’agressions sexuelles, subies par des femmes, l’automne dernier.
« On va se parler entre gars si tu veux bien. Aie pas peur, ce sera pas très poétique. »
Et puis, la dernière horreur dans ce département déjà plein à craquer : l’agression sexuelle d’une fillette dans une garderie subventionnée de l’ouest de l’île de Montréal. Au Québec, 50 % des victimes d’agression sexuelle sont des filles de moins de 18 ans et 10 % ont moins de cinq ans. Comme chaque fois qu’une telle calamité arrive, les questions se sont dirigées lundi dernier vers les superviseurs, l’établissement, le gouvernement. Où étaient-ils ? Pourquoi n’a-t-on rien fait ? On n’a à peu près pas parlé de l’agresseur derrière tout cet émoi, comme s’il s’agissait d’un « fait de Dieu », un terrible revers de la nature auquel, que voulez-vous, il faudrait presque s’habituer.
Tout le génie du texte de Steve Laplante tient au fait qu’il s’adresse directement à l’agresseur, d’homme à homme par-dessus le marché. Une bouffée d’air frais dans un cachot qui pue le moisi.
« Pis le soir même, c’est quoi qui se passe ? Comme quand ça vient de finir ? Quand tu décides que c’est fini ? […] Y as-tu comme une formule, une affaire précise que tu dis ? “ Merci beaucoup ” ou “ S’cuse-moi, j’ai de la misère dans ma quête de tendresse ”… »
Espèce de version masculine de Les fées ont soif, un puissant ras-le-bol qui, lui aussi, a mis du temps à jaillir, le texte a été le clou de la soirée. Ce cri dans le désert de l’indignation masculine (vis-à-vis du sort toujours maudit réservé aux femmes) arrive d’ailleurs à point nommé. Parmi tous les thèmes abordés lors de la course à la direction du PQ, 18 en tout, rien qui concerne spécifiquement les femmes et moins que rien sur l’autre éléphant dans la pièce, la violence sexuelle et conjugale. On a davantage parlé des fléaux que vivent les agriculteurs, finalement, que ceux que vit ou vivra un tiers de la population féminine. Et puis, on attend toujours « les suites du plan d’action sur les agressions sexuelles », promis par la ministre de la Justice et de la Condition féminine, Stéphanie Vallée, dans la foulée d’audiences publiques tenues en février dernier.
Alors, en attendant que les politiciens se branchent, laissons parler Steve Laplante :
« Toi, Ghomeshi. Toi, la main longue qui va reconduire la gardienne. Toi qui étais saoul. Toi, Gab Roy. Toi, Man, Dude, Big. Toi, le gros […] Savais-tu que t’as pas le droit de brûler des pneus ? Pu le droit de fumer dans les avions. Tu peux pas texter en conduisant. Tu peux pas verser ton reste de peinture à l’huile dans le lavabo. On est en 2015. Tu l’as pu l’excuse de l’homme des cavernes. C’pas compliqué ce que je te dis. Pas en train de te lire du Heïner Muller. J’te demande de cesser tes activités, maintenant. Avant que tu brises d’autre monde. Avant que quelqu’un se fâche. […]Bienvenue dans notre époque. »
Madame Pelletier j'aimerais juste souligner, malgré l'indignation qu'une telle nouvelle peut soulever, qu'un adolescent est protégé par les mêmes lois que celles qui protègent les enfants. Et malgré le fait qu'aucune enquête et qu'aucun procès, qui se déroulerait de toute évidence, la seule malgré ce qu'a dit la ministre, à huit clos, je trouve qu'il est un peut tôt pour comparer les agissements d'un ado dont on ne connaît pas réellement l'histoire, à ceux de criminels avérés. Julie Blaquière
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