Julie Snyder ne laisse pas sa place. C’était vrai du temps de L’enfer, c’est nous autres, l’émission qui l’a établie comme l’enfant terrible des ondes en 1992, c’est encore vrai aujourd’hui. Tout le monde reconnaît que la meneuse de claques de Star Académie est plus que « la femme de l’autre ». Si PKP n’existait pas, Julie Snyder aurait très certainement une place dans le monde télévisuel québécois. Le problème n’est pas que« l’une des animatrices les plus populaires du Québec » n’ait pas de talent, encore moins, n’ait pas droit à sa propre existence. Le problème est que Julie — un peu comme son fiancé Pierre Karl et certains élus péquistes — semble croire qu’on devrait ajuster les règles à sa convenance.
Je parle ici comme productrice indépendante (de films documentaires) qui, comme des centaines d’autres, a trouvé les dernières remontrances de Mme Snyder un peu fortes en ketchup. Prétendre être victime de « discrimination » et de « sexisme », pour raison d’inadmissibilité aux crédits d’impôt, est une excentricité digne de se jeter dans le fleuve Saint-Laurent, ce dont la « démone » n’hésitait pas à faire alors qu’elle faisait ses armes dans le show-business québécois. La patronne de Productions J prétend que les rectifications apportées aux crédits d’impôt lui forcent de faire un choix impossible : sa boîte ou sa liaison avec PKP. C’est beurrer un peu épais.
Les crédits d’impôt dans le secteur du cinéma et de la télévision ont été conçus il y a près de 20 ans pour permettre aux producteurs indépendants, notamment les plus petits, de survivre. Ils offrent une contribution du ministère des Finances là où l’argent de la culture (toujours le parent pauvre) ne suffit pas. Plus important encore, c’est ce qui permet de contenir l’appétit toujours plus vorace des télédiffuseurs qui, eux aussi, sont producteurs de contenu (en interne). Ils font d’ailleurs pression depuis des années pour obtenir des crédits d’impôt, ce qui, le cas échéant, risquerait de tuer la production indépendante dans l’oeuf. Or, la relation intime de Julie Snyder, tant avec TVA que le grand boss, PKP, est aux antipodes de l’esprit de la loi fiscale qui cherche à éviter ce genre de privilèges.
Selon la loi, une personne liée par le sang (ou intimement) à un télédiffuseur n’a pas droit aux crédits d’impôt. Moins pour des questions de favoritisme (il est probable que PKP n’ait pas fait de pressions pour favoriser les productions de sa blonde) que pour empêcher de brouiller la frontière entre ce qui est véritablement indépendant et ce qui ne l’est pas. Dans un cas « d’intimité », la loi prévoit une porte de sortie : produire plus de 50 % de son contenu ailleurs (que chez le télédiffuseur en question). Mais Productions J ne s’est jamais prévalue de cette option.
Lovée dans le giron TVA depuis maintenant 12 ans, Julie Snyder a privilégié une grosse production après l’autre — Star Académie, La voix, Le banquier, L’été indien… — toujours à la même antenne. On se demande d’ailleurs comment Mme Snyder, qui prétend avoir touché des crédits d’impôt de 1998 à 2008, y a eu droit. En relation avec PKP depuis 2000, toutes ses productions subséquentes, dont Star Académie créée en 2003, auraient dû être disqualifiées.
Julie Snyder — qui a de plus développé toute une filiale de gérance d’artistes — a-t-elle vraiment besoin de faire plus d’argent ? Sa prétention de frôler la faillite ne tient tout simplement pas la route. S’il est vrai que les crédits d’impôt équivalent à des milliers de dollars, le fait d’avoir le plus grand télédiffuseur dans sa poche vaut plus cher encore. Personne au Québec n’est dans une situation aussi privilégiée, y compris des boîtes plus importantes telles que Pixcom, Zone 3 et Attraction images, qui doivent refaire périodiquement leurs génuflexions devant les télédiffuseurs. Ceux-ci, rappelons-le, ont pouvoir de vie et de mort sur la grande majorité des maisons de production québécoises.
À la veille des dernières élections, le PQ a décidé, mine de rien, de changer les règles en faveur de Julie Snyder. Désormais, la « loi de la chambre à coucher » ne compterait plus. Seul le fait d’être « actionnaires croisés » disqualifierait un producteur. Julie Snyder n’ayant pas d’actions dans Québecor, et vice versa, elle pouvait désormais se prévaloir des crédits. Bref, d’un coup de plume on s’est débarrassé de la question d’apparence de conflits d’intérêts, à la base des règles démocratiques depuis belle lurette. Heureux changement ? Ou simple façon de paver la venue d’un homme qui, plus que quiconque, exsude l’apparence de conflit d’intérêts ? Le débat est ouvert.
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