La confusion bat son plein au Québec. Non seulement détourne-t-on le
sens des mots (l’austérité veut dire rigueur budgétaire, la laïcité veut
dire égalité hommes-femmes…), mais on ne sait pas, en plus, distinguer
la droite de la gauche ou un simple accessoire d’un symbole religieux.
La semaine dernière, une juge a refusé d’entendre la cause d’une femme parce qu’elle portait le hidjab.
« Je n’entendrai pas votre cause si vous portez un foulard sur votre
tête, tout comme je n’entendrais pas une personne qui porte des lunettes
de soleil ou toute autre tenue n’ayant pas sa place au tribunal », a dit la juge de la Cour du Québec, Eliana Marengo, à la plaidante, Raina El-Alloul.
Des lunettes de soleil ? Aux dernières nouvelles, les lunettes de
soleil, les chapeaux panamas, les visières de tennis, les paréos ne sont
pas protégés par la charte des droits. Mais le hidjab, oui, tout comme
la kippa juive, le turban sikh, la croix chrétienne. Comment une juge
peut-elle entretenir la confusion entre un accessoire de mode et un
signe religieux ? Comment peut-elle ignorer que la Charte des droits et
libertés du Québec, ainsi que celle du Canada, pour ne rien dire de la
Déclaration universelle des droits de la personne, toutes reconnaissent
la liberté de religion. On parle d’une simple citoyenne ici, pas d’un
représentant de l’État. Et d’un simple foulard, pas d’une burka ou d’un
niqab.
La démocratie repose sur l’idée que l’être humain est doté d’un libre
arbitre — c’est ce qui nous rend humain — et qu’il a un droit
inaliénable de l’exercer. L’idée que chaque citoyen peut agir librement,
peut penser et croire ce qu’il veut et que l’État a, de plus, le devoir
moral de protéger cette liberté, pour autant qu’elle ne contrevienne
pas à l’ordre public, est le socle sur lequel tout le reste repose.
La juge Marengo a traité Mme El-Alloul comme si elle insultait la
cour par son apparence. Mais c’est la juge qui nous insulte tous, qui
crache sur la société dans laquelle on vit, en traitant un droit
fondamental avec si peu d’égard. La prochaine fois qu’un homme gai un
brin efféminé va se présenter devant elle, va-t-elle lui demander de
changer de manières, sans quoi elle ne l’entendra pas ? Mais où
va-t-on ? !
La bourde de Mme Marengo ne se passe évidemment pas en vase clos.
Après les femmes musulmanes qui, à la suite du projet de charte
péquiste, se sont fait crier des bêtises et jusqu’à arracher leur voile
dans la rue, les attentats terroristes ici comme ailleurs ont vite fait
de raviver les sentiments islamophobes. La controverse entourant le port
du niqab durant une assermentation a sans doute joué aussi. La juge
Marengo semble croire que la plaidante tente de se dissimuler, comme
l’indique la référence aux lunettes noires. L’étendue de la confusion,
pour ne pas dire l’épaisseur des préjugés, indique l’urgence de la
situation. (S.O.S., M. Couillard !). Il faut distinguer une fois pour
toutes ce qui appartient aux droits fondamentaux, le port du hidjab, et
ce qui contrevient à l’ordre public, le niqab. Le principe du visage à
découvert doit être promulgué partout, mais, de grâce, pas d’abord au
nom de l’égalité hommes-femmes ! Au nom de la sécurité, de l’ordre
public et de la civilité qu’impose la vie en société. Avant d’être un
geste de soumission, le niqab est d’abord un immense doigt d’honneur, un
retentissant « allez vous faire voir », un acte antisocial dérangeant,
de la part d’un esprit clairement dérangé. Interdire le niqab sur la
base de l’égalité ne fait que mettre toutes les femmes qui portent le
foulard sur la corde raide, comme la juge Marengo nous l’a si bien
rappelé. Il faut aussi réitérer le droit fondamental qu’est la liberté
de conscience et de religion. La vie démocratique en dépend.
L’éducation politique de certains jeunes péquistes, maintenant. « Il faut arrêter de voir le Front national comme une gang de fascistes et de radicaux »,
a écrit sur Facebook le président des jeunes péquistes en Abitibi, Joël
Morneau. Séduits par les ouvertures de Marine Le Pen lors de l’élection
du PQ en 2102, certains jeunes voudraient s’allier au FN pour dénoncer
la hausse des droits de scolarité des étudiants français. Malgré de
louables efforts de la part de Léo Bureau-Blouin, il va falloir faire
davantage pour démêler les esprits qui, visiblement, ne font pas la
différence entre centre gauche et extrême droite. Il y a des limites à
vouloir amener tout le monde « sous la tente », comme disent les
Américains.
Autre exemple du virage conservateur identitaire qui étreint le
Québec, ce dérapage indique également le degré de confusion au sein du
PQ lui-même.
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