C’est donc officiel. L’économiste Pierre Fortin confirme non seulement que nous vivons des temps durs mais que nous sommes « des champions de l’austérité ».
Sur un total de 13 pays, le Québec serait troisième, après le Japon et
l’Australie, parmi les austériens. Étonnant, quand même. L’austérité
dont personne n’a soufflé motdurant la dernière campagne électorale,
l’austérité qui a eu des effets « contraires » à ceux recherchés, admet
aujourd’hui le Fonds monétaire international, l’austérité qui a mis la
Grèce au bord de la faillite et qui pourrait créer l’effondrement de la
zone euro, ce fléau des temps modernes serait terriblement prisé ici au
Québec, non seulement par le gouvernement Couillard mais également, à en
juger par des sondages, par les Québécois eux-mêmes.
Comment une idée qualifiée, selon le Prix Nobel en économie Paul Krugman dans The New York Review of Books, d’inefficace et même de dangereuse peut-elle exercer une telle emprise ? Curieusement, la notion est adoptée en pleine toundra canadienne, à Iqaluit, dans le noir et la froidure. On est février 2010, deux ans après la pire crise économique depuis 1929, et les ministres des Finances du G7 sont réunis « au sommet ». Souvent, ces rituels ne riment pas à grand-chose, mais cette fois, c’est tout le contraire. « Dans l’isolation du désert canadien, les leaders du monde des finances s’entendent pour dire que, l’économie prenant du mieux, le temps est venu de détourner l’attention de la croissance économique. »
Comme des alchimistes, relate Krugman, nos leaders embrassent alors l’idée d’austérité. La décision est d’autant plus surprenante qu’elle est contraire aux mesures adoptées durant les trois récessions précédentes (1975, 1982, 1991) ; contraire aussi aux manuels d’économie d’usage. Les conditions qui pourraient justifier des coupes massives (la surchauffe, l’inflation…) n’existent pas à l’époque et tout le monde sait que réduire les dépenses gouvernementales augmente aussi le chômage. Alors pourquoi ?
La Grèce, évidemment, inquiète. Sa dette faramineuse est en train de devenir un problème non seulement pour le petit pays de 11 millions d’habitants, mais pour l’Union européenne elle-même. De plus, deux économistes de Harvard, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, font un tabac avec leur théorie selon laquelle aucune économie ne peut maintenir une dette supérieure à 90 % du PIB. Or, la dette grecque en 2010 est de 130 % du PIB (177 % aujourd’hui). La thèse de Reinhart et Rogoff a « plus d’influence sur le débat public que peut-être tout autre article dans l’histoire de l’économie », dit Paul Krugman.
On connaît la suite. Plus d’un million de chômeurs (26 % de la population), 180 000 petites et moyennes entreprises en faillite, une dégringolade de 27 % du PIB, du jamais vu depuis la crise de 1929, fermeture brutale de la radiotélévision publique, répression policière… « Un désastre économique et social », dit un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. La Grèce a bien sûr sa part de responsabilité dans ce chaos, mais la responsabilité majeure repose avec la troïka (la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque européenne), dont « le plan de sauvetage ne consistait pas à sauver la Grèce mais à sauver les banques européennes », dit un article de Médiapart. « Ainsi, seulement 10 % des crédits accordés à la Grèce seront vraiment utilisés pour soutenir l’économie du pays et sa population. Tout le reste n’a servi qu’au système financier. »
Pourtant, malgré l’échec patent, la troïka joue toujours la dure, refuse d’effacer une partie de la dette grecque. De plus, la théorie de Reinhart et Rogoff est aujourd’hui discréditée pour cause de méthodologie boiteuse. Alors, encore une fois, pourquoi ? Pourquoi cette conversion massive à une religion qui rend aussi malheureux ? Les politiques néolibérales à l’honneur aujourd’hui comptent bien sûr pour beaucoup, mais il faut également tenir compte du facteur psychologique.
La morale voulant qu’il faille payer pour ses péchés, pour ses excès, est une idée très répandue, dit l’économiste et chroniqueur du New York Times. À peu près tout le monde y souscrit à titre individuel. Ce qui explique pourquoi, malgré le manque de résultats probants, l’austérité gagne les coeurs et les esprits. Ça va faire mal, même très mal, mais vous allez voir, vous vous sentirez beaucoup mieux après. Les bienfaits toniques de la purge, n’est-ce pas précisément le discours du gouvernement Couillard à l’heure actuelle ?
Personne ne conteste, encore une fois, le besoin de revoir des programmes, de gérer de façon efficace et responsable. Mais de voir un gouvernement le mors aux dents a de quoi inquiéter.
Comment une idée qualifiée, selon le Prix Nobel en économie Paul Krugman dans The New York Review of Books, d’inefficace et même de dangereuse peut-elle exercer une telle emprise ? Curieusement, la notion est adoptée en pleine toundra canadienne, à Iqaluit, dans le noir et la froidure. On est février 2010, deux ans après la pire crise économique depuis 1929, et les ministres des Finances du G7 sont réunis « au sommet ». Souvent, ces rituels ne riment pas à grand-chose, mais cette fois, c’est tout le contraire. « Dans l’isolation du désert canadien, les leaders du monde des finances s’entendent pour dire que, l’économie prenant du mieux, le temps est venu de détourner l’attention de la croissance économique. »
Comme des alchimistes, relate Krugman, nos leaders embrassent alors l’idée d’austérité. La décision est d’autant plus surprenante qu’elle est contraire aux mesures adoptées durant les trois récessions précédentes (1975, 1982, 1991) ; contraire aussi aux manuels d’économie d’usage. Les conditions qui pourraient justifier des coupes massives (la surchauffe, l’inflation…) n’existent pas à l’époque et tout le monde sait que réduire les dépenses gouvernementales augmente aussi le chômage. Alors pourquoi ?
La Grèce, évidemment, inquiète. Sa dette faramineuse est en train de devenir un problème non seulement pour le petit pays de 11 millions d’habitants, mais pour l’Union européenne elle-même. De plus, deux économistes de Harvard, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, font un tabac avec leur théorie selon laquelle aucune économie ne peut maintenir une dette supérieure à 90 % du PIB. Or, la dette grecque en 2010 est de 130 % du PIB (177 % aujourd’hui). La thèse de Reinhart et Rogoff a « plus d’influence sur le débat public que peut-être tout autre article dans l’histoire de l’économie », dit Paul Krugman.
On connaît la suite. Plus d’un million de chômeurs (26 % de la population), 180 000 petites et moyennes entreprises en faillite, une dégringolade de 27 % du PIB, du jamais vu depuis la crise de 1929, fermeture brutale de la radiotélévision publique, répression policière… « Un désastre économique et social », dit un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. La Grèce a bien sûr sa part de responsabilité dans ce chaos, mais la responsabilité majeure repose avec la troïka (la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque européenne), dont « le plan de sauvetage ne consistait pas à sauver la Grèce mais à sauver les banques européennes », dit un article de Médiapart. « Ainsi, seulement 10 % des crédits accordés à la Grèce seront vraiment utilisés pour soutenir l’économie du pays et sa population. Tout le reste n’a servi qu’au système financier. »
Pourtant, malgré l’échec patent, la troïka joue toujours la dure, refuse d’effacer une partie de la dette grecque. De plus, la théorie de Reinhart et Rogoff est aujourd’hui discréditée pour cause de méthodologie boiteuse. Alors, encore une fois, pourquoi ? Pourquoi cette conversion massive à une religion qui rend aussi malheureux ? Les politiques néolibérales à l’honneur aujourd’hui comptent bien sûr pour beaucoup, mais il faut également tenir compte du facteur psychologique.
La morale voulant qu’il faille payer pour ses péchés, pour ses excès, est une idée très répandue, dit l’économiste et chroniqueur du New York Times. À peu près tout le monde y souscrit à titre individuel. Ce qui explique pourquoi, malgré le manque de résultats probants, l’austérité gagne les coeurs et les esprits. Ça va faire mal, même très mal, mais vous allez voir, vous vous sentirez beaucoup mieux après. Les bienfaits toniques de la purge, n’est-ce pas précisément le discours du gouvernement Couillard à l’heure actuelle ?
Personne ne conteste, encore une fois, le besoin de revoir des programmes, de gérer de façon efficace et responsable. Mais de voir un gouvernement le mors aux dents a de quoi inquiéter.
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