Faites-vous partie du 55 % des Québécois qui « s’en vont vers un mur » ? Selon l’économiste Michel Lizée, 38 % d’entre nous envisagent la retraite sans « rien » et
un autre 17 % a des économies insuffisantes pour vivre confortablement
leur âge d’or. Selon mes calculs, je fais indéniablement partie de ceux
qui vont vivre un âge de cuivre ou peut-être même de plomb. Comment
savoir ? Non seulement a-t-on une très petite idée de ce vers quoi nous
nous dirigeons, mais le débat de l’heure, celui des régimes de retraite,
est empêtré dans des chiffres obtus souvent difficiles à comprendre. Ce
qui ne m’empêche pas de prêter l’oreille et de me sentir éminemment
concernée.
Le vrai problème, à mon humble avis de fille qui ne sait pas compter, ce n’est pas que les syndiqués municipaux gagnent trop, comparativement à leurs vis-à-vis ailleurs dans la fonction publique. Après tout, les hommes, encore aujourd’hui, gagnent près de 20 % de plus que les femmes, toutes catégories d’emploi confondues. S’est-on empressé de baisser leurs salaires pour autant ? Pas du tout. Leur a-t-on dit qu’ils étaient des bébés gâtés surpayés qui bouchaient les horizons des autres ? Là aussi, on s’est retenu. Il y a toujours quelque chose d’odieux dans les inégalités inscrites au coeur même du système, mais l’idée a toujours été d’élever le niveau des défavorisés plutôt que de faire reculer les privilégiés. Un bon principe à ne pas perdre de vue ; une société ne peut avancer sinon.
Le vrai problème est que l’organisation du travail a beaucoup changé depuis 50 ans et est appelé à changer encore davantage. L’ère « Ford » de l’emploi, d’après l’organisation du travail mise en place par l’industriel américain Henry Ford, cinq jours par semaine, 8 heures par jour, un « travail à vie avec bénéfices », est en train de disparaître au profit d’une montée vertigineuse de travailleurs autonomes et à temps partiel. Selon un sondage Gallup basé sur 136 pays, c’est une minorité de gens aujourd’hui — seulement 26 % — qui ont un travail à temps plein, explique Doug Saunders du Globe and Mail. À travers le monde, les deux tiers des gens en âge de travailler ont donc un emploi atypique.
Bien qu’au Québec, comme ailleurs au Canada, le ratio de salariés est encore de loin supérieur (75 %) aux non salariés (25 %), les emplois à temps plein stagnent alors que le temps partiel et le travail autonome continuent d’augmenter. Je peux vous en parler de vive voix, je fais partie des statistiques. C’est l’arrivée en masse des femmes sur le marché du travail, à la fin des années 70, qui explique l’émergence du phénomène. Au début, il s’agissait de la meilleure façon de gagner sa vie tout en s’occupant de la famille. Mais, rapidement, d’autres facteurs entrent en ligne de compte : l’envie de travailler autrement que ligoté à un bureau, à une caisse chez Steinberg ou à une chaîne de montage. Et, bien sûr, à partir de la récession des années 1980, la difficulté de trouver un emploi permanent, tout simplement. À ces données sociologiques, il faut ajouter la révolution technologique des années 1990 qui a chamboulé les milieux de travail plus encore que l’arrivée des femmes.
On ne peut vraisemblablement pas continuer comme si tout ça n’existait pas, comme si nous vivions toujours les « Trente Glorieuses », la période de croissance ininterrompue qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale et qui a sans doute contribué à faire des baby-boomers la génération la plus utopique de l’histoire. Je suis personnellement très sympathique à l’idée de revoir les systèmes d’avantages qui ont été pensés il y a 50 ans. Seulement, pas en scrutant uniquement le petit bout de la lorgnette. La vraie iniquité n’est pas entre les syndiqués municipaux et les autres syndiqués de la fonction publique, ni même entre les « gras durs » du système — les policiers et pompiers de Québec et de Montréal — et tous ces Québécois qui entament leur retraite mal en point. Le grand déséquilibre réside entre les travailleurs qui, depuis 1979, ne cessent de s’appauvrir alors que les entreprises, elles, ne cessent de s’enrichir, comme rappelle un éditorial récent du New York Times. Rappelons aussi qu’au Québec, la part de l’employeur dans les régimes de retraite a fondu de 70 %, dans les années 60, à 40 % aujourd’hui.
En attendant une réforme qui tiendrait compte de toutes les données, consolez-vous, chers appauvris, en vous disant que, de toute façon, la retraite est malsaine. Plus vous ralentissez, plus la démence et autres maladies vous guettent, disait un invité de Denis Lévesque récemment. De la même façon que « liberté 55 » (la retraite à 55 ans) a servi de slogan il y a 40 ans, « la retraite est nuisible pour la santé » pourrait bien être le nouveau mot d’ordre de l’époque maussade que nous vivons.
Le vrai problème, à mon humble avis de fille qui ne sait pas compter, ce n’est pas que les syndiqués municipaux gagnent trop, comparativement à leurs vis-à-vis ailleurs dans la fonction publique. Après tout, les hommes, encore aujourd’hui, gagnent près de 20 % de plus que les femmes, toutes catégories d’emploi confondues. S’est-on empressé de baisser leurs salaires pour autant ? Pas du tout. Leur a-t-on dit qu’ils étaient des bébés gâtés surpayés qui bouchaient les horizons des autres ? Là aussi, on s’est retenu. Il y a toujours quelque chose d’odieux dans les inégalités inscrites au coeur même du système, mais l’idée a toujours été d’élever le niveau des défavorisés plutôt que de faire reculer les privilégiés. Un bon principe à ne pas perdre de vue ; une société ne peut avancer sinon.
Le vrai problème est que l’organisation du travail a beaucoup changé depuis 50 ans et est appelé à changer encore davantage. L’ère « Ford » de l’emploi, d’après l’organisation du travail mise en place par l’industriel américain Henry Ford, cinq jours par semaine, 8 heures par jour, un « travail à vie avec bénéfices », est en train de disparaître au profit d’une montée vertigineuse de travailleurs autonomes et à temps partiel. Selon un sondage Gallup basé sur 136 pays, c’est une minorité de gens aujourd’hui — seulement 26 % — qui ont un travail à temps plein, explique Doug Saunders du Globe and Mail. À travers le monde, les deux tiers des gens en âge de travailler ont donc un emploi atypique.
Bien qu’au Québec, comme ailleurs au Canada, le ratio de salariés est encore de loin supérieur (75 %) aux non salariés (25 %), les emplois à temps plein stagnent alors que le temps partiel et le travail autonome continuent d’augmenter. Je peux vous en parler de vive voix, je fais partie des statistiques. C’est l’arrivée en masse des femmes sur le marché du travail, à la fin des années 70, qui explique l’émergence du phénomène. Au début, il s’agissait de la meilleure façon de gagner sa vie tout en s’occupant de la famille. Mais, rapidement, d’autres facteurs entrent en ligne de compte : l’envie de travailler autrement que ligoté à un bureau, à une caisse chez Steinberg ou à une chaîne de montage. Et, bien sûr, à partir de la récession des années 1980, la difficulté de trouver un emploi permanent, tout simplement. À ces données sociologiques, il faut ajouter la révolution technologique des années 1990 qui a chamboulé les milieux de travail plus encore que l’arrivée des femmes.
On ne peut vraisemblablement pas continuer comme si tout ça n’existait pas, comme si nous vivions toujours les « Trente Glorieuses », la période de croissance ininterrompue qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale et qui a sans doute contribué à faire des baby-boomers la génération la plus utopique de l’histoire. Je suis personnellement très sympathique à l’idée de revoir les systèmes d’avantages qui ont été pensés il y a 50 ans. Seulement, pas en scrutant uniquement le petit bout de la lorgnette. La vraie iniquité n’est pas entre les syndiqués municipaux et les autres syndiqués de la fonction publique, ni même entre les « gras durs » du système — les policiers et pompiers de Québec et de Montréal — et tous ces Québécois qui entament leur retraite mal en point. Le grand déséquilibre réside entre les travailleurs qui, depuis 1979, ne cessent de s’appauvrir alors que les entreprises, elles, ne cessent de s’enrichir, comme rappelle un éditorial récent du New York Times. Rappelons aussi qu’au Québec, la part de l’employeur dans les régimes de retraite a fondu de 70 %, dans les années 60, à 40 % aujourd’hui.
En attendant une réforme qui tiendrait compte de toutes les données, consolez-vous, chers appauvris, en vous disant que, de toute façon, la retraite est malsaine. Plus vous ralentissez, plus la démence et autres maladies vous guettent, disait un invité de Denis Lévesque récemment. De la même façon que « liberté 55 » (la retraite à 55 ans) a servi de slogan il y a 40 ans, « la retraite est nuisible pour la santé » pourrait bien être le nouveau mot d’ordre de l’époque maussade que nous vivons.
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