La saison des idées est de retour au Parti québécois, mais pour
l’instant, on en compte qu’une seule, un peu usée de surcroît :
l’indépendance au congélateur jusqu’à nouvel ordre. C’est ce que les
deux aspirants chefs Bernard Drainville et Jean-François Lisée, deux
hommes toujours « en réflexion » mais dont le jeu transparaît quand même
un peu, se sont empressés de nous communiquer. Les députés de
Marie-Victorin et de Rosemont jugent sans doute leurs propositions bien
différentes — l’un voit poindre un référendum à l’horizon (lointain),
l’autre pas —, mais le commun des mortels retiendra simplement que ces
deux-là, comme d’ailleurs tous les chefs péquistes depuis Jacques
Parizeau, ne sont pas pressés. Contrairement à celui qui ne dit toujours
rien mais qu’on sent partout, Pierre Karl Péladeau, pas question de
poing en l’air pour ces deux anciens journalistes.
Avec ces déclarations, Drainville et Lisée posent le genou à la ligne
de départ de la course à la chefferie, en prenant soin de se démarquer
d’une éventuelle candidature PKP. En disant « entendre les Québécois »,
les deux lièvres de la course veulent s’assurer que
Péladeau-le-poing-en-l’air demeure l’épouvantail qu’on a connu lors des
dernières élections. Pourquoi les deux députés, qui se réclament tous
deux du centre gauche, n’attaquent pas le député de Saint-Jérôme là où
ça fait mal, sur sa droite, là où on pourrait avoir un véritable débat
d’idées, me laisse personnellement perplexe. Pourquoi aucun aspirant
candidat, ils sont quand même plusieurs, n’a encore cru bon de lancer
une idée qui donnerait vraiment la mesure d’un « nouveau Parti
québécois » m’interroge aussi.
Jusqu’à maintenant, les idées se sont limitées au processus de
sélection du nouveau chef : frais d’inscription, limite d’argent à
dépenser et primaires ouvertes ou pas. On semble réfléchir beaucoup sur
le comment, pas tellement sur le pourquoi, sur le contenant beaucoup
plus que sur le contenu. L’exécutif du Parti québécois semble en plus
favoriser la candidature de Pierre Karl Péladeau. Comment interpréter la
proposition de « frais d’inscription dissuasifs » de 35 000 $ par
candidat sinon ? C’est sept fois plus que ce qui avait été exigé la
dernière fois, en 2007, ce qui commence à ressembler aux exigences
financières du parti « de l’argent », le Parti libéral.
Tout se passe comme si la seule leçon retenue, depuis la défaite du
7 avril dernier, concernait uniquement l’article 1 du programme du PQ.
Sauf qu’il n’y a pas que l’ambiguïté légendaire vis-à-vis de
l’indépendance qui a fini par incommoder. Il y a également l’ambiguïté
par rapport à tout le reste : les ressources naturelles,
l’environnement, l’éducation, le peu de cas fait de la culture lors des
18 mois Marois, un gouvernement pourtant entiché d’identité québécoise,
pour ne rien dire de la bombe à retardement qu’a été la charte des
valeurs québécoises. Les sondages avaient beau montrer l’appui de
francophones à un projet de laïcisation, l’entreprise éhontée de
séduction que s’est avérée la véritable motivation de projet de loi 60,
avec ses manigances et ses mièvreries, la profonde division qui s’est
installée au sein de la population, les expressions désobligeantes et
parfois carrément racistes qu’elle a suscitées, ont fini par peser
lourd.
Que personne du parti ne se soit senti suffisamment interpellé par
ces dérapages pour exprimer son désaccord en dit long sur l’aveuglement
volontaire de toute politique partisane. Que personne du parti encore
aujourd’hui, en commençant par Bernard Drainville, n’admette ici une
erreur de parcours, n’inspire rien de bon pour la suite. Ce n’est pas en
sifflant dans le cimetière que les éventuels candidats vont se refaire
une crédibilité.
Le dernier exercice du pouvoir a été catastrophique pour le Parti
québécois. Les candidats pressentis à la course à la chefferie le savent
et d’ailleurs le disent. On aimerait maintenant qu’ils nous expliquent
comment ils entendent se distinguer, autrement qu’en choisissant une
date plus ou moins éloignée d’un prochain référendum. N’en déplaise au
député de Rosemont, ce n’est pas tout à fait vrai que « chaque fois qu’il fut au pouvoir, le Parti québécois a fait l’inverse [du Parti libéral] ».
Que ce soit en économie, en environnement ou en culture, le dernier
bilan péquiste ressemble à s’y méprendre à ce qu’auraient fait libéraux
ou caquistes.
Si on peut comprendre pourquoi deux des candidats à la chefferie le
plus en vue n’ont pas envie de se mettre la tête sur le billot de
l’indépendance, on comprend mal leur manque d’appétit pour raviver les
flammes de la social-démocratie. C’est ce qu’ils ont de mieux pour se
distinguer à la fois du redoutable PKP et de leurs adversaires
politiques les plus menaçants.
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