« À quoi sommes-nous capables de donner encore du sens, outre l’économisme ? »
Si je devais choisir une phrase parmi une pléthore entendue lors du rassemblement citoyen pour l’indépendance DestiNation, je choisirais celle-là, de la comédienne et militante d’Option nationale Catherine Dorion, citée en ouverture par un des organisateurs du colloque, Pierre Curzi. La phrase résume bien ce que d’autres — de Louise Harel à Jacques Parizeau, en passant par les philosophes Eric Martin et Danic Parenteau — exprimeront à leur façon : le mouvement indépendantiste, du moins comme exprimé par son porte-voix numéro 1, le Parti québécois, est, sinon « un champ de ruines », du moins sérieusement en panne d’idées.
Poliment mais fermement, on a tour à tour rappelé aux figures de proue péquistes qu’à tant se préoccuper du « comment », on oubliait de mettre à jour le « pourquoi » de l’indépendance. On a aussi rappelé la difficulté qu’ils ont eue jusqu’à maintenant à tendre l’oreille. « Sortir, parler et convaincre », de dire Jean-Pierre Charbonneau, a toujours été la méthode préconisée par les souverainistes. « Écouter n’était pas dans le slogan », ajoute-t-il.
Bien que rassemblant davantage de vieux militants que de jeunes recrues, l’événement a quand même mis le doigt sur le problème de fond qui mine le champ indépendantiste, d’ailleurs souligné à gros traits par le référendum écossais. Le vieux « paradigme » de l’infériorisation canadienne-française, qui sous-tend la lutte nationale depuis les années 60, ne fonctionne plus. Ou comme dirait Xavier Dolan, « la notion de pays ou de province ne veut rien dire pour les gens de ma génération ». Aujourd’hui, les Québécois, comme les Écossais, ne se considèrent pas comme des porteurs d’eau. La grande majorité (plus de 70 %) se considère à part, par contre. Cette identité à la fois distincte, forte et fière ratisse large : hommes, femmes, jeunes et même les plus vieux s’y retrouvent. C’est la lueur au bout du tunnel, la seule pâte à modeler que détiennent les forces souverainistes pour l’instant.
C’est le cadeau empoisonné de René Lévesque, si on peut dire, de nous avoir donné le goût d’être maîtres chez nous sans nécessairement vouloir devenir propriétaires. « Les indépendantistes ont oublié qu’il s’agit d’une sécession », de préciser Danic Parenteau. Dès le premier référendum, et encore en 1995, on a volontairement gommé les conséquences du Oui, faisant miroiter la rassurante association avec le reste du Canada. Au final, on pouvait croire que tout ce branle-bas de combat visait essentiellement à « refonder » le fédéralisme plutôt que de faire ses valises une fois pour toutes. Ce qui expliquerait qu’une grande proportion de Québécois pense, encore aujourd’hui, selon le sondeur Pierre-Alain Cotnoir, « qu’il est possible de réformer le fédéralisme ». Plus qu’un talon d’Achille, il s’agit là, pour les indépendantistes, d’un véritable poignard dans le dos.
Après deux échecs référendaires et quatre décennies d’évacuation des véritables enjeux, que faire maintenant ? Comment amener une majorité de Québécois à trouver « normale » la rupture avec le reste du Canada ? La pierre philosophale indépendantiste, la voilà. On a évidemment parlé de campagne de sensibilisation à long terme, d’assemblée constituante et de « remettre la critique fédérale à l’honneur ». On a aussi mis une idée beaucoup plus radicale sur la table, celle de fonder la souveraineté, pas seulement sur des questions sociales ou identitaires, mais carrément sur un régime politique différent, celui de la république. Citant Jean Jaurès, Danic Parenteau rappelait qu’être libre, « ce n’est pas seulement refuser des choses, c’est aussi adhérer ». Tout ça est fort intéressant, mais pas toujours évident.
D’ailleurs, pendant que 800 personnes entassées dans un petit auditorium bien sombre se demandaient comment relancer la cause indépendantiste, 3000 autres rassemblées au parc Lafontaine et plus de 300 000 dans les rues de New York manifestaient pour la survie de la Terre. « Il n’y a pas de planète B », comme clamaient éloquemment certaines pancartes. Et si la question environnementale s’avérait la réponse par excellence à la question de l’avenir incertain du mouvement indépendantiste ? Non seulement met-elle en relief ce que Robert Laplante appelle le « fédéralisme pétrolifère » de Harper, mais elle met aussi le doigt sur ce qui fait courir 99 % des Québécois : la survie. « Historiquement, quand on dit aux Québécois qu’ils n’existent pas, dit Pierre-Alain Cotnoir, c’est là qu’ils veulent être indépendants. »
La République de la survie. Le Québec pourrait se positionner comme le refuge de tout ce qui veut continuer encore longtemps, y compris les bélugas, la forêt boréale, les réfugiés politiques, l’égalité des droits et, bien sûr, le français en Amérique.
Si je devais choisir une phrase parmi une pléthore entendue lors du rassemblement citoyen pour l’indépendance DestiNation, je choisirais celle-là, de la comédienne et militante d’Option nationale Catherine Dorion, citée en ouverture par un des organisateurs du colloque, Pierre Curzi. La phrase résume bien ce que d’autres — de Louise Harel à Jacques Parizeau, en passant par les philosophes Eric Martin et Danic Parenteau — exprimeront à leur façon : le mouvement indépendantiste, du moins comme exprimé par son porte-voix numéro 1, le Parti québécois, est, sinon « un champ de ruines », du moins sérieusement en panne d’idées.
Poliment mais fermement, on a tour à tour rappelé aux figures de proue péquistes qu’à tant se préoccuper du « comment », on oubliait de mettre à jour le « pourquoi » de l’indépendance. On a aussi rappelé la difficulté qu’ils ont eue jusqu’à maintenant à tendre l’oreille. « Sortir, parler et convaincre », de dire Jean-Pierre Charbonneau, a toujours été la méthode préconisée par les souverainistes. « Écouter n’était pas dans le slogan », ajoute-t-il.
Bien que rassemblant davantage de vieux militants que de jeunes recrues, l’événement a quand même mis le doigt sur le problème de fond qui mine le champ indépendantiste, d’ailleurs souligné à gros traits par le référendum écossais. Le vieux « paradigme » de l’infériorisation canadienne-française, qui sous-tend la lutte nationale depuis les années 60, ne fonctionne plus. Ou comme dirait Xavier Dolan, « la notion de pays ou de province ne veut rien dire pour les gens de ma génération ». Aujourd’hui, les Québécois, comme les Écossais, ne se considèrent pas comme des porteurs d’eau. La grande majorité (plus de 70 %) se considère à part, par contre. Cette identité à la fois distincte, forte et fière ratisse large : hommes, femmes, jeunes et même les plus vieux s’y retrouvent. C’est la lueur au bout du tunnel, la seule pâte à modeler que détiennent les forces souverainistes pour l’instant.
C’est le cadeau empoisonné de René Lévesque, si on peut dire, de nous avoir donné le goût d’être maîtres chez nous sans nécessairement vouloir devenir propriétaires. « Les indépendantistes ont oublié qu’il s’agit d’une sécession », de préciser Danic Parenteau. Dès le premier référendum, et encore en 1995, on a volontairement gommé les conséquences du Oui, faisant miroiter la rassurante association avec le reste du Canada. Au final, on pouvait croire que tout ce branle-bas de combat visait essentiellement à « refonder » le fédéralisme plutôt que de faire ses valises une fois pour toutes. Ce qui expliquerait qu’une grande proportion de Québécois pense, encore aujourd’hui, selon le sondeur Pierre-Alain Cotnoir, « qu’il est possible de réformer le fédéralisme ». Plus qu’un talon d’Achille, il s’agit là, pour les indépendantistes, d’un véritable poignard dans le dos.
Après deux échecs référendaires et quatre décennies d’évacuation des véritables enjeux, que faire maintenant ? Comment amener une majorité de Québécois à trouver « normale » la rupture avec le reste du Canada ? La pierre philosophale indépendantiste, la voilà. On a évidemment parlé de campagne de sensibilisation à long terme, d’assemblée constituante et de « remettre la critique fédérale à l’honneur ». On a aussi mis une idée beaucoup plus radicale sur la table, celle de fonder la souveraineté, pas seulement sur des questions sociales ou identitaires, mais carrément sur un régime politique différent, celui de la république. Citant Jean Jaurès, Danic Parenteau rappelait qu’être libre, « ce n’est pas seulement refuser des choses, c’est aussi adhérer ». Tout ça est fort intéressant, mais pas toujours évident.
D’ailleurs, pendant que 800 personnes entassées dans un petit auditorium bien sombre se demandaient comment relancer la cause indépendantiste, 3000 autres rassemblées au parc Lafontaine et plus de 300 000 dans les rues de New York manifestaient pour la survie de la Terre. « Il n’y a pas de planète B », comme clamaient éloquemment certaines pancartes. Et si la question environnementale s’avérait la réponse par excellence à la question de l’avenir incertain du mouvement indépendantiste ? Non seulement met-elle en relief ce que Robert Laplante appelle le « fédéralisme pétrolifère » de Harper, mais elle met aussi le doigt sur ce qui fait courir 99 % des Québécois : la survie. « Historiquement, quand on dit aux Québécois qu’ils n’existent pas, dit Pierre-Alain Cotnoir, c’est là qu’ils veulent être indépendants. »
La République de la survie. Le Québec pourrait se positionner comme le refuge de tout ce qui veut continuer encore longtemps, y compris les bélugas, la forêt boréale, les réfugiés politiques, l’égalité des droits et, bien sûr, le français en Amérique.