Homme froid et réservé, peu porté à dramatiser, on voit mal Stephen
Harper en apôtre fondamentaliste, prophète de malheur et de damnation
éternelle. Pourtant, il est aussi évangéliste que Pierre Trudeau était
catholique ou que Lester B. Pearson était méthodiste. Seulement,
contrairement à tout autre premier ministre canadien, les croyances
religieuses de Harper ont parfois une incidence directe sur les
politiques de son gouvernement.
« Traditionnellement, au Canada […] l’État ne nous dicte pas nos croyances et les croyants ne dictent pas à l’État comment agir, souligne un documentaire qui sera diffusé ce vendredi à 21 h à Radio-Canada. Mais aujourd’hui les croyants sont en train de changer les règles du jeu. »
Écrit et réalisé par le journaliste Jon Kalina, La droite religieuse au Canada tente de lever le voile sur l’aspect le plus insidieux du gouvernement conservateur : les principes évangélistes derrière des politiques aussi variées que l’avortement, les changements climatiques et Israël. Le film trace l’évolution de Stephen Harper, de l’héritier spirituel de Preston Manning, politicien évangéliste de l’Alberta, à son ascension à Ottawa, 18 ans plus tard. Entretemps, on le voit prendre les rênes de l’Alliance canadienne (AC), le « parti le plus religieux au pays », ce qui lui permettra d’avaler puis de transformer le Parti progressiste conservateur, deux ans plus tard.
Même jeune, Harper n’a rien de la ferveur biblique d’un Preston Manning ou de la naïveté bon enfant de l’ex-chef de l’AC, Stockwell Day. Jamais on ne l’entendrait dire que les « dinosaures et les humains ont cohabité », encore moins que le créationnisme devrait être enseigné dans les écoles. Le cérébral Harper, en fait, semble à mille lieues de ce courant religieux sorti tout droit de l’imaginaire des frères Grimm, infantilisant et apeurant à souhait, interprétant la Bible à la lettre et croyant au retour imminent du Christ.
On pourrait penser que le Harper d’aujourd’hui, politicien endurci et efficace, ne croit plus à la pensée « magique » évangéliste. Après tout, il n’est pas nécessaire de croire que le pétrole est « un don de Dieu, porteur de liberté », pour prouver son adhésion au fondamentalisme chrétien. Il suffit d’être conservateur, et même parfois libéral, pour jeter son dévolu derrière l’exploitation des ressources naturelles. Et puis, Harper n’a-t-il pas maintenu le mariage gai, promis de ne pas rouvrir le débat sur l’avortement, un énorme pied de nez à sa base religieuse ? Autant de raisons de douter de sa foi évangéliste.
Ne niant rien de ces incongruités, le film démontre que cette apparente neutralité chez Harper tient surtout à un calcul politique. « Il a une foi religieuse, dit Preston Manning, mais il la garde pour lui, car il voit comment ceux qui en parlent ouvertement sont attaqués. » Et puis, l’ambition avouée de Harper de faire du conservatisme « l’horizon politique naturel » des Canadiens exige, indique le film, de mettre passablement d’eau dans son vin. Par conséquent, vous n’entendrez plus le premier ministre ponctuer ses discours de « God bless Canada », comme il le faisait lors de son premier mandat. Modération (apparente) oblige.
Mais là où la foi religieuse de Stephen Harper transparaît clairement, et c’est le moment fort du documentaire, c’est à l’égard d’Israël. Sous Harper, le Canada a abandonné son rôle de médiateur au Proche-Orient pour littéralement embrasser la cause israélienne. En visite officielle au début de cette année, Harper affirme qu’Israël sert une leçon édifiante au monde entier et que le Canada se tiendra à ses côtés « coûte que coûte ». Or les évangélistes sont d’ardents défenseurs de l’État hébreu, car, selon eux, la seconde venue du Christ dépend du retour des Juifs en Israël. « Il s’ensuit que la nation actuelle d’Israël et toutes ses initiatives sont d’une extrême importance pour le plan divin de la fin des temps », explique un pasteur évangéliste dans le film.
Chaque année, de nombreux évangélistes font d’ailleurs un pèlerinage en Israël, à Jérusalem et à Bethléem, exactement comme l’a fait Stephen Harper, dont la délégation comptait aussi plusieurs pasteurs évangélistes. Israël compte même une petite colonie d’évangélistes, question d’être fin prêts à l’arrivée du Big Guy. Le fait que la position du gouvernement Harper n’a pas bougé d’un poil, même si les morts s’accumulent à Gaza et que les protestations s’intensifient, et qu’il n’a rien à y gagner politiquement illustre qu’il est motivé par « quelque chose qui ressemble à la foi », dit Louis Rousseau, prof de sciences religieuses.
Dans la foulée du débat sur la laïcité, on peut se demander si la réelle menace, la vraie théocratie, ne réside pas plutôt dans le gouvernement conservateur, plutôt que chez de simples femmes voilées.
« Traditionnellement, au Canada […] l’État ne nous dicte pas nos croyances et les croyants ne dictent pas à l’État comment agir, souligne un documentaire qui sera diffusé ce vendredi à 21 h à Radio-Canada. Mais aujourd’hui les croyants sont en train de changer les règles du jeu. »
Écrit et réalisé par le journaliste Jon Kalina, La droite religieuse au Canada tente de lever le voile sur l’aspect le plus insidieux du gouvernement conservateur : les principes évangélistes derrière des politiques aussi variées que l’avortement, les changements climatiques et Israël. Le film trace l’évolution de Stephen Harper, de l’héritier spirituel de Preston Manning, politicien évangéliste de l’Alberta, à son ascension à Ottawa, 18 ans plus tard. Entretemps, on le voit prendre les rênes de l’Alliance canadienne (AC), le « parti le plus religieux au pays », ce qui lui permettra d’avaler puis de transformer le Parti progressiste conservateur, deux ans plus tard.
Même jeune, Harper n’a rien de la ferveur biblique d’un Preston Manning ou de la naïveté bon enfant de l’ex-chef de l’AC, Stockwell Day. Jamais on ne l’entendrait dire que les « dinosaures et les humains ont cohabité », encore moins que le créationnisme devrait être enseigné dans les écoles. Le cérébral Harper, en fait, semble à mille lieues de ce courant religieux sorti tout droit de l’imaginaire des frères Grimm, infantilisant et apeurant à souhait, interprétant la Bible à la lettre et croyant au retour imminent du Christ.
On pourrait penser que le Harper d’aujourd’hui, politicien endurci et efficace, ne croit plus à la pensée « magique » évangéliste. Après tout, il n’est pas nécessaire de croire que le pétrole est « un don de Dieu, porteur de liberté », pour prouver son adhésion au fondamentalisme chrétien. Il suffit d’être conservateur, et même parfois libéral, pour jeter son dévolu derrière l’exploitation des ressources naturelles. Et puis, Harper n’a-t-il pas maintenu le mariage gai, promis de ne pas rouvrir le débat sur l’avortement, un énorme pied de nez à sa base religieuse ? Autant de raisons de douter de sa foi évangéliste.
Ne niant rien de ces incongruités, le film démontre que cette apparente neutralité chez Harper tient surtout à un calcul politique. « Il a une foi religieuse, dit Preston Manning, mais il la garde pour lui, car il voit comment ceux qui en parlent ouvertement sont attaqués. » Et puis, l’ambition avouée de Harper de faire du conservatisme « l’horizon politique naturel » des Canadiens exige, indique le film, de mettre passablement d’eau dans son vin. Par conséquent, vous n’entendrez plus le premier ministre ponctuer ses discours de « God bless Canada », comme il le faisait lors de son premier mandat. Modération (apparente) oblige.
Mais là où la foi religieuse de Stephen Harper transparaît clairement, et c’est le moment fort du documentaire, c’est à l’égard d’Israël. Sous Harper, le Canada a abandonné son rôle de médiateur au Proche-Orient pour littéralement embrasser la cause israélienne. En visite officielle au début de cette année, Harper affirme qu’Israël sert une leçon édifiante au monde entier et que le Canada se tiendra à ses côtés « coûte que coûte ». Or les évangélistes sont d’ardents défenseurs de l’État hébreu, car, selon eux, la seconde venue du Christ dépend du retour des Juifs en Israël. « Il s’ensuit que la nation actuelle d’Israël et toutes ses initiatives sont d’une extrême importance pour le plan divin de la fin des temps », explique un pasteur évangéliste dans le film.
Chaque année, de nombreux évangélistes font d’ailleurs un pèlerinage en Israël, à Jérusalem et à Bethléem, exactement comme l’a fait Stephen Harper, dont la délégation comptait aussi plusieurs pasteurs évangélistes. Israël compte même une petite colonie d’évangélistes, question d’être fin prêts à l’arrivée du Big Guy. Le fait que la position du gouvernement Harper n’a pas bougé d’un poil, même si les morts s’accumulent à Gaza et que les protestations s’intensifient, et qu’il n’a rien à y gagner politiquement illustre qu’il est motivé par « quelque chose qui ressemble à la foi », dit Louis Rousseau, prof de sciences religieuses.
Dans la foulée du débat sur la laïcité, on peut se demander si la réelle menace, la vraie théocratie, ne réside pas plutôt dans le gouvernement conservateur, plutôt que chez de simples femmes voilées.