« Hé, sacrifice. » De tous les mots qui ponctuent l’éloquent documentaire de Dominic Champagne, Anticosti : la chasse au pétrole extrême,
je retiens d’abord ces deux-là. Ce sont ceux de son fils Jules après
avoir tiré un chevreuil, l’animal Disneyesque, qui se compte aujourd’hui
par milliers sur cette grande île du Saint-Laurent. Il y a quasi
obligation en Anticosti de tuer le chevreuil, vu leur nombre, mais le
moment n’est pas moins délicat pour autant. L’examen de conscience du
jeune homme, exprimé en deux mots, la tension vécue par quiconque abat
froidement un animal, une merveille de la nature qui a le malheur de
regarder dans la caméra avec des yeux de velours, en plus, pose d’emblée
la question (massue) du film. Entre faire comme tout le monde ou
choisir sa propre conscience, entre le développement économique ou la
préservation écologique, entre exploiter les 31 milliards de barils de
pétrole de schiste d’une île visiblement en mal de développement ou
procéder à une vaste remise en question de la croissance énergétique…
que choisissez-vous ?
« On est tous drogués au pétrole, vous, moi, tout le monde »,dit l’auteur du film. « On essaie de se donner bonne conscience en disant que, de toute façon, du pétrole, on va en consommer encore longtemps. » Alors, autant donner dans le pétrole « bien de chez nous », poursuit-il, avant de mettre en pièces les arguments qui ont servi à nous faire avaler l’exploitation pétrolière de l’île d’Anticosti.
D’abord, il n’y a aucune preuve que le sous-sol anticostien est « potentiellement exploitable », dit Marc Durand, ingénieur en géologie. Et s’il l’était, nous pourrions exploiter à peine plus de 1 % du pétrole existant. Ce n’est pas par hasard si les grosses pétrolières comme Shell ou Exxon ont boudé la perle du Saint-Laurent. D’ailleurs, sur la liste des 10 pays ayant les réserves de pétrole de schiste les plus importantes, le Canada arrive bon dernier, très loin derrière la Russie, les États-Unis, la Chine, l’Argentine et la Libye. De plus, les réserves anticostiennes sont dérisoires en comparaison de celle, par exemple, de l’Alberta.
Curieusement, le Canada est en bien meilleure posture en ce qui concerne le gaz de schiste, décrochant le 5e rang au palmarès international, une ressource dont l’exploitation a été immédiatement suspendue par le précédent gouvernement après son élection. Feignant de n’y voir aucune contradiction, le gouvernement Marois accueillait quelques mois plus tard le pétrole de schiste d’Anticosti les bras grands ouverts, avec un investissement de 115 millions. Ce qui fait dire à un intervenant du film que « la vraie ressource qu’on exploite présentement, c’est la crédibilité du gouvernement ».
Artiste bien connu, Dominic Champagne, qui s’est découvert une autre vocation en s’élevant contre l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, n’a pas l’intention de lâcher le morceau pour ce qui est du pétrole sur Anticosti, même si, à en juger des sondages, la majorité des Québécois se foutent de cette île sortie tout droit de l’imaginaire de Jean-Jacques Rousseau. En fait, l’auteur et metteur en scène qui tentait de nous secouer les puces, il y a deux ans, avec Tout ça m’assassine, une pièce sur la mort des grands projets et idéaux rassembleurs du Québec, sur l’espèce d’engluement collectif qui nous habite depuis déjà trop longtemps, caresse un projet plus pointu, cette fois. Il vise une prise de conscience globale sur la question énergétique, en commençant par cette substance bien-aimée, responsable de notre mode de vie comme de la structure de l’économie, le pétrole.
En passant, savez-vous que le Québec est une des sociétés les plus énergivores de la planète ? Dix tonnes d’hydrocarbures par habitant par année, deux fois la moyenne mondiale. Pas de quoi se péter les bretelles. Saviez-vous également que c’est l’exploitation du pétrole « extrême », de schiste, difficile à aller chercher et ravageur pour l’environnement, qui va nous faire dépasser le « cap » par rapport au réchauffement climatique ? Si on brûle tout ce genre de pétrole, dit le sociologue Éric Pineault, « c’est certain qu’on va changer à tout jamais la façon que l’atmosphère fonctionne ».
Le film de Dominic Champagne coïncide avec la publication d’un rapport sur les impacts environnementaux de la fracturation hydraulique, le procédé nécessaire à l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Ce bilan, très inquiétant lui aussi, s’est vu immédiatement balayé du revers de la main par le milieu pétrolier. Les paris sont ouverts maintenant pour voir si Anticosti aura un effet plus mobilisateur sur l’actuel gouvernement. On se le souhaite, sans quoi « À quelle heure on meurt ? » pourrait devenir, à plus d’un égard, le nouveau slogan de fin de siècle québécois.
« On est tous drogués au pétrole, vous, moi, tout le monde »,dit l’auteur du film. « On essaie de se donner bonne conscience en disant que, de toute façon, du pétrole, on va en consommer encore longtemps. » Alors, autant donner dans le pétrole « bien de chez nous », poursuit-il, avant de mettre en pièces les arguments qui ont servi à nous faire avaler l’exploitation pétrolière de l’île d’Anticosti.
D’abord, il n’y a aucune preuve que le sous-sol anticostien est « potentiellement exploitable », dit Marc Durand, ingénieur en géologie. Et s’il l’était, nous pourrions exploiter à peine plus de 1 % du pétrole existant. Ce n’est pas par hasard si les grosses pétrolières comme Shell ou Exxon ont boudé la perle du Saint-Laurent. D’ailleurs, sur la liste des 10 pays ayant les réserves de pétrole de schiste les plus importantes, le Canada arrive bon dernier, très loin derrière la Russie, les États-Unis, la Chine, l’Argentine et la Libye. De plus, les réserves anticostiennes sont dérisoires en comparaison de celle, par exemple, de l’Alberta.
Curieusement, le Canada est en bien meilleure posture en ce qui concerne le gaz de schiste, décrochant le 5e rang au palmarès international, une ressource dont l’exploitation a été immédiatement suspendue par le précédent gouvernement après son élection. Feignant de n’y voir aucune contradiction, le gouvernement Marois accueillait quelques mois plus tard le pétrole de schiste d’Anticosti les bras grands ouverts, avec un investissement de 115 millions. Ce qui fait dire à un intervenant du film que « la vraie ressource qu’on exploite présentement, c’est la crédibilité du gouvernement ».
Artiste bien connu, Dominic Champagne, qui s’est découvert une autre vocation en s’élevant contre l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, n’a pas l’intention de lâcher le morceau pour ce qui est du pétrole sur Anticosti, même si, à en juger des sondages, la majorité des Québécois se foutent de cette île sortie tout droit de l’imaginaire de Jean-Jacques Rousseau. En fait, l’auteur et metteur en scène qui tentait de nous secouer les puces, il y a deux ans, avec Tout ça m’assassine, une pièce sur la mort des grands projets et idéaux rassembleurs du Québec, sur l’espèce d’engluement collectif qui nous habite depuis déjà trop longtemps, caresse un projet plus pointu, cette fois. Il vise une prise de conscience globale sur la question énergétique, en commençant par cette substance bien-aimée, responsable de notre mode de vie comme de la structure de l’économie, le pétrole.
En passant, savez-vous que le Québec est une des sociétés les plus énergivores de la planète ? Dix tonnes d’hydrocarbures par habitant par année, deux fois la moyenne mondiale. Pas de quoi se péter les bretelles. Saviez-vous également que c’est l’exploitation du pétrole « extrême », de schiste, difficile à aller chercher et ravageur pour l’environnement, qui va nous faire dépasser le « cap » par rapport au réchauffement climatique ? Si on brûle tout ce genre de pétrole, dit le sociologue Éric Pineault, « c’est certain qu’on va changer à tout jamais la façon que l’atmosphère fonctionne ».
Le film de Dominic Champagne coïncide avec la publication d’un rapport sur les impacts environnementaux de la fracturation hydraulique, le procédé nécessaire à l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste. Ce bilan, très inquiétant lui aussi, s’est vu immédiatement balayé du revers de la main par le milieu pétrolier. Les paris sont ouverts maintenant pour voir si Anticosti aura un effet plus mobilisateur sur l’actuel gouvernement. On se le souhaite, sans quoi « À quelle heure on meurt ? » pourrait devenir, à plus d’un égard, le nouveau slogan de fin de siècle québécois.
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