Après le twitt papal et la vidéo de la première dame Michelle
Obama, la pancarte en plein tapis rouge brandie par l’actrice Salma
Hayek sur la Croisette samedi dernier rappelle combien la campagne
#bringbackourgirls (Ramenez-nous nos filles) bat son plein. C’est sans
compter la mobilisation internationale, les 215 000 euros offerts en
récompense pour toute information susceptible de retrouver les lycéennes
disparues et le Sommet pour la sécurité du Nigeria tenu en fin de
semaine à Paris. Jamais le sort réservé à un groupe de femmes n’aura
attiré autant l’attention. On applaudit. En même temps, vu
l’indifférence devant ce qui est soit africain, soit féminin, on se
demande ce qui peut bien motiver un tel branle-bas de combat.
Ce sont les femmes autochtones qui doivent se le demander surtout. Malgré une situation certainement aussi dramatique que l’enlèvement de 276 jeunes filles dans le nord-est nigérian, malgré les protestations répétées de groupes autochtones, dont l’Association des femmes autochtones qui a tout fait pour attirer l’attention sur les meurtres et disparitions de ses consoeurs, la situation n’a guère fait couler d’encre et encore moins suscité de gestes politiques. Pourtant, on tue de plus en plus de femmes autochtones dans ce pays : selon la récente enquête de la GRC, la plus exhaustive à ce jour, elles passent de 8 % des femmes tuées au Canada en 1985 à 23 % aujourd’hui. Rappelons que les autochtones ne représentent que 4 % de la population canadienne.
Entre 1980 et 2012, 1017 femmes autochtones ont été assassinées au Canada, en plus de 164 disparues. Les femmes autochtones sont donc cinq fois plus susceptibles de mourir d’une mort violente qu’une femme non autochtone. Les chiffres concernant certaines provinces de l’Ouest sont tout simplement ahurissants : en Saskatchewan, le meurtre d’Amérindiennes équivaut à 55 % de tous les meurtres de femmes, au Manitoba, 49 %, en Alberta, 28 %. Au Québec (peut-on s’en féliciter ?), le meurtre de femmes autochtones équivaut à 3 %, pour une population amérindienne d’environ 1 % de la population québécoise.
Deux poids, deux mesures. Sans minimiser la tragédie nigériane, il faut bien admettre que c’est moins le bien-être des lycéennes qui explique ici le degré de sollicitation de la communauté internationale, mais plutôt le mal incarné de l’heure, le terrorisme islamique, représenté par Boko Haram et son cauchemar de chef, Abubakar Shelau. Les véritables cibles ne sont pas les jeunes femmes elles-mêmes, mais l’éducation et la culture occidentales honnies par l’islamisme radical. (Boko serait une déformation de book, selon certains analystes, et haram signifie « péché ».) Depuis les attaques en 2001 sur le World Trade Center et le Pentagone, la guerre est ouverte entre les mordus d’Allah et les grandes puissances occidentales. La chasse aux lycéennes kidnappées en est le dernier exemple et explique pourquoi les États-Unis d’abord, suivis par le Royaume-Uni et la France, se sont précipités dans la mêlée.
En plus du nombre de femmes enlevées, violées ou tuées qu’on passe régulièrement sous silence, notons aussi d’autres mouvements terroristes (le Sentier lumineux au Pérou, les Khmers rouges au Cambodge) qui, malgré le fait qu’ils aient commis des gestes tout aussi odieux, même plus, n’ont jamais été la cible d’efforts internationaux. C’est dire comment on prend le djihad contre l’Occident, même entre les mains d’adolescents analphabètes, au sérieux. Pour les femmes autochtones, par contre, ou encore les paysans andins ou cambodgiens qui ont le malheur de se retrouver loin des tensions géopolitiques du moment, point de salut, encore moins de secours.
Arrachées à leur école et leurs familles, drapées dans leurs camisoles de force, le regard éploré, les jeunes Nigérianes ont touché bien des coeurs. Le mien est du lot. Dans cette guerre larvée entre l’Occident et l’Orient, rien ne paraît plus exécrable que l’asservissement bête et méchant des femmes. La violence domestique, en comparaison, ne fait pas le poids. (Les femmes autochtones meurent à la suite de coups de poing dans plus d’un tiers des cas.) D’autant plus que de partir à la rescousse de jeunes Africaines perdues dans la brousse nous rassure sur notre lutte contre la barbarie. Il nous permet de jouer les beaux rôles tout en ignorant les allures néocolonialistes qui s’en dégagent. Alors que de se pencher une fois pour toutes sur le drame autochtone, ce que le gouvernement Harper vient de balayer du revers de la main, nous renvoie à un tout autre examen de conscience, à un colonialisme beaucoup plus puant, où, loin de faire partie de la solution nous faisons, en fait, partie du problème.
Ce sont les femmes autochtones qui doivent se le demander surtout. Malgré une situation certainement aussi dramatique que l’enlèvement de 276 jeunes filles dans le nord-est nigérian, malgré les protestations répétées de groupes autochtones, dont l’Association des femmes autochtones qui a tout fait pour attirer l’attention sur les meurtres et disparitions de ses consoeurs, la situation n’a guère fait couler d’encre et encore moins suscité de gestes politiques. Pourtant, on tue de plus en plus de femmes autochtones dans ce pays : selon la récente enquête de la GRC, la plus exhaustive à ce jour, elles passent de 8 % des femmes tuées au Canada en 1985 à 23 % aujourd’hui. Rappelons que les autochtones ne représentent que 4 % de la population canadienne.
Entre 1980 et 2012, 1017 femmes autochtones ont été assassinées au Canada, en plus de 164 disparues. Les femmes autochtones sont donc cinq fois plus susceptibles de mourir d’une mort violente qu’une femme non autochtone. Les chiffres concernant certaines provinces de l’Ouest sont tout simplement ahurissants : en Saskatchewan, le meurtre d’Amérindiennes équivaut à 55 % de tous les meurtres de femmes, au Manitoba, 49 %, en Alberta, 28 %. Au Québec (peut-on s’en féliciter ?), le meurtre de femmes autochtones équivaut à 3 %, pour une population amérindienne d’environ 1 % de la population québécoise.
Deux poids, deux mesures. Sans minimiser la tragédie nigériane, il faut bien admettre que c’est moins le bien-être des lycéennes qui explique ici le degré de sollicitation de la communauté internationale, mais plutôt le mal incarné de l’heure, le terrorisme islamique, représenté par Boko Haram et son cauchemar de chef, Abubakar Shelau. Les véritables cibles ne sont pas les jeunes femmes elles-mêmes, mais l’éducation et la culture occidentales honnies par l’islamisme radical. (Boko serait une déformation de book, selon certains analystes, et haram signifie « péché ».) Depuis les attaques en 2001 sur le World Trade Center et le Pentagone, la guerre est ouverte entre les mordus d’Allah et les grandes puissances occidentales. La chasse aux lycéennes kidnappées en est le dernier exemple et explique pourquoi les États-Unis d’abord, suivis par le Royaume-Uni et la France, se sont précipités dans la mêlée.
En plus du nombre de femmes enlevées, violées ou tuées qu’on passe régulièrement sous silence, notons aussi d’autres mouvements terroristes (le Sentier lumineux au Pérou, les Khmers rouges au Cambodge) qui, malgré le fait qu’ils aient commis des gestes tout aussi odieux, même plus, n’ont jamais été la cible d’efforts internationaux. C’est dire comment on prend le djihad contre l’Occident, même entre les mains d’adolescents analphabètes, au sérieux. Pour les femmes autochtones, par contre, ou encore les paysans andins ou cambodgiens qui ont le malheur de se retrouver loin des tensions géopolitiques du moment, point de salut, encore moins de secours.
Arrachées à leur école et leurs familles, drapées dans leurs camisoles de force, le regard éploré, les jeunes Nigérianes ont touché bien des coeurs. Le mien est du lot. Dans cette guerre larvée entre l’Occident et l’Orient, rien ne paraît plus exécrable que l’asservissement bête et méchant des femmes. La violence domestique, en comparaison, ne fait pas le poids. (Les femmes autochtones meurent à la suite de coups de poing dans plus d’un tiers des cas.) D’autant plus que de partir à la rescousse de jeunes Africaines perdues dans la brousse nous rassure sur notre lutte contre la barbarie. Il nous permet de jouer les beaux rôles tout en ignorant les allures néocolonialistes qui s’en dégagent. Alors que de se pencher une fois pour toutes sur le drame autochtone, ce que le gouvernement Harper vient de balayer du revers de la main, nous renvoie à un tout autre examen de conscience, à un colonialisme beaucoup plus puant, où, loin de faire partie de la solution nous faisons, en fait, partie du problème.
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