Lundi midi, 12 mai 2014. Je suis pendue à l’antenne qui scande mes
jours et parfois même mes nuits, Radio-Canada, l’oreille tendue comme un
orignal. J’attends, le crayon en l’air, que le directeur de la boîte,
Hubert Lacroix, enfin sorti de sa tanière, nous explique quel est le
« mandat » du diffuseur public puisqu’il en est constamment question
depuis 15 minutes. Encore mieux, quelle « vision » entretient-il de
Radio-Canada en ces temps de vaches maigres et de bulletins de nouvelles
diète ?
Malgré les efforts du suave Jacques Beauchamp, l’animateur impeccablement diplomate de Pas de midi sans info, malgré un auditeur qui dit tout haut ce que d’autres pensent tout bas — « a-t-on encore les moyens de se payer un télédiffuseur public ? » — ça ne coule pas de source. M. Lacroix — qui est un peu à Radio-Canada ce que Marc Nadon est à la Cour suprême, un choix curieusement mal assorti de la part du gouvernement conservateur — finira par prôner la défense de la culture, mais sans plus. Si les récentes déclarations d’animateurs vedettes semblent l’avoir sorti de son mutisme habituel, l’avocat de profession n’est toujours pas tenté de se draper dans la noble cause du diffuseur public.
Il y aurait pourtant tant de belles choses à dire, comme l’a bien compris le nouveau député du PQ — et ancien détracteur du réseau public — Pierre Karl Péladeau. Ne reculant devant aucune contradiction, M. Péladeau nous invitait récemment à nous « insurger contre les compressions à Radio-Canada » au nom de la culture québécoise et de la bonne santé de l’information. On peut rire, mais c’est plus qu’en a fait Hubert Lacroix jusqu’à maintenant. Un peu comme PKP par le passé, le président semble pris dans de sempiternelles récriminations par rapport aux parts de gâteau privé-public. En d’autres mots, M. Lacroix semble plus inquiété par « l’écosystème » de la radiodiffusion que par le magnifique animal dont il est le gardien, plus soucieux de ce qu’il faut couper pour obéir aux autorités constituées que de ce qu’il faut faire pour sauver, pas seulement les meubles, mais l’âme même de Radio-Canada.
Radio-Canada n’a pas besoin d’un esprit comptable qui sait « faire plus avec moins ». Comme disait le professeur de médias, Marc Raboy, au moment de la nomination de M. Lacroix en 2008, le président de SRC/CBC doit avoir une sensibilité aiguë de ce qui sépare le réseau privé du réseau public. Parmi les choses qui distinguent ce dernier (l’accessibilité universelle, le partage d’une conscience et d’une identité nationale…), il y a une caractéristique suprême, la suivante : la qualité de l’information, et non le nombre d’auditeurs, doit guider le choix de programmation.
Le contenu avant les BBM, en d’autres mots, est une distinction fondamentale entre le public et le privé. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de choses intéressantes qui se font du côté de TVA ou de 98.5 FM (Confession de junkie : j’ai découvert Paul Arcand depuis peu et serais devenue accro, à mon tour, si ce n’était des publicités à répétition, véritable torture chinoise). Ce qui ne veut pas dire, non plus, que le diffuseur public n’a pas à se soucier de ce que veulent les auditeurs. Personne n’aime les tours d’ivoire. Mais la notion même d’un réseau public, pourvu qu’il puisse compter sur l’appui indéfectible du gouvernement, protège de la prostitution. Il empêche de devoir faire des guili-guili pour attirer les annonceurs et/ou un public toujours plus jeune, plus branché, plus aléatoire. Or, le soutien financier du fédéral est à peine 50 % aujourd’hui, bien en dessous de ce qu’il est ailleurs, obligeant le réseau public à singer tout ce qui pogne. Les ravages à cet égard ont été particulièrement marqués du côté de CBC, qui ne bénéficie pas d’un auditoire captif comme celui de Radio-Canada et qui ne sait plus quoi faire pour se rendre populaire. Du côté anglais, il y a une basse animosité qui s’est installée vis-à-vis du plus ancien diffuseur du pays, alimentée à la fois par le gouvernement conservateur et par une bonne part du public, hostilité qui ne se manifeste pas du côté français, du moins pour l’instant, vu le rôle indispensable que joue Radio-Canada au Québec.
Depuis cinq ans, environ 2000 postes ont été supprimés au sein du diffuseur public. À ce rythme-là, on peut se demander de quoi il aura l’air au tournant de la prochaine décennie. Des voix s’élèvent pour réclamer une commission parlementaire sur l’avenir de la société d’État. Le temps presse, en effet, pour sauver cette institution vitale de la catastrophe.
Malgré les efforts du suave Jacques Beauchamp, l’animateur impeccablement diplomate de Pas de midi sans info, malgré un auditeur qui dit tout haut ce que d’autres pensent tout bas — « a-t-on encore les moyens de se payer un télédiffuseur public ? » — ça ne coule pas de source. M. Lacroix — qui est un peu à Radio-Canada ce que Marc Nadon est à la Cour suprême, un choix curieusement mal assorti de la part du gouvernement conservateur — finira par prôner la défense de la culture, mais sans plus. Si les récentes déclarations d’animateurs vedettes semblent l’avoir sorti de son mutisme habituel, l’avocat de profession n’est toujours pas tenté de se draper dans la noble cause du diffuseur public.
Il y aurait pourtant tant de belles choses à dire, comme l’a bien compris le nouveau député du PQ — et ancien détracteur du réseau public — Pierre Karl Péladeau. Ne reculant devant aucune contradiction, M. Péladeau nous invitait récemment à nous « insurger contre les compressions à Radio-Canada » au nom de la culture québécoise et de la bonne santé de l’information. On peut rire, mais c’est plus qu’en a fait Hubert Lacroix jusqu’à maintenant. Un peu comme PKP par le passé, le président semble pris dans de sempiternelles récriminations par rapport aux parts de gâteau privé-public. En d’autres mots, M. Lacroix semble plus inquiété par « l’écosystème » de la radiodiffusion que par le magnifique animal dont il est le gardien, plus soucieux de ce qu’il faut couper pour obéir aux autorités constituées que de ce qu’il faut faire pour sauver, pas seulement les meubles, mais l’âme même de Radio-Canada.
Radio-Canada n’a pas besoin d’un esprit comptable qui sait « faire plus avec moins ». Comme disait le professeur de médias, Marc Raboy, au moment de la nomination de M. Lacroix en 2008, le président de SRC/CBC doit avoir une sensibilité aiguë de ce qui sépare le réseau privé du réseau public. Parmi les choses qui distinguent ce dernier (l’accessibilité universelle, le partage d’une conscience et d’une identité nationale…), il y a une caractéristique suprême, la suivante : la qualité de l’information, et non le nombre d’auditeurs, doit guider le choix de programmation.
Le contenu avant les BBM, en d’autres mots, est une distinction fondamentale entre le public et le privé. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de choses intéressantes qui se font du côté de TVA ou de 98.5 FM (Confession de junkie : j’ai découvert Paul Arcand depuis peu et serais devenue accro, à mon tour, si ce n’était des publicités à répétition, véritable torture chinoise). Ce qui ne veut pas dire, non plus, que le diffuseur public n’a pas à se soucier de ce que veulent les auditeurs. Personne n’aime les tours d’ivoire. Mais la notion même d’un réseau public, pourvu qu’il puisse compter sur l’appui indéfectible du gouvernement, protège de la prostitution. Il empêche de devoir faire des guili-guili pour attirer les annonceurs et/ou un public toujours plus jeune, plus branché, plus aléatoire. Or, le soutien financier du fédéral est à peine 50 % aujourd’hui, bien en dessous de ce qu’il est ailleurs, obligeant le réseau public à singer tout ce qui pogne. Les ravages à cet égard ont été particulièrement marqués du côté de CBC, qui ne bénéficie pas d’un auditoire captif comme celui de Radio-Canada et qui ne sait plus quoi faire pour se rendre populaire. Du côté anglais, il y a une basse animosité qui s’est installée vis-à-vis du plus ancien diffuseur du pays, alimentée à la fois par le gouvernement conservateur et par une bonne part du public, hostilité qui ne se manifeste pas du côté français, du moins pour l’instant, vu le rôle indispensable que joue Radio-Canada au Québec.
Depuis cinq ans, environ 2000 postes ont été supprimés au sein du diffuseur public. À ce rythme-là, on peut se demander de quoi il aura l’air au tournant de la prochaine décennie. Des voix s’élèvent pour réclamer une commission parlementaire sur l’avenir de la société d’État. Le temps presse, en effet, pour sauver cette institution vitale de la catastrophe.
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