Au moment d’écrire ces lignes, on ignore toujours la teneur
exacte de la Charte des valeurs québécoises. Mais, si l’information
coulée aux médias est exacte, on voit déjà ce qui risque de rallier la
population, comme ce qui risque de la diviser davantage.
Des cinq volets proposés par le ministre Drainville, les trois premiers passent comme du beurre dans la poêle : 1. affirmer la neutralité de l’État comme valeur commune ; 2. établir l’égalité hommes-femmes de façon plus explicite dans la Charte québécoise des droits ; 3. imposer des directives à la fonction publique interdisant les demandes discriminatoires (exemple : exiger de traiter avec un homme plutôt qu’une femme).
Ce sont les deux derniers volets qui font problème : l’interdiction de porter des signes religieux dans les institutions publiques et parapubliques, pour ne rien dire du maintien des crucifix dans les conseils de ville et au Salon bleu. À ce chapitre, on s’explique mal l’entêtement du gouvernement Marois tellement le geste est contradictoire, pour ne pas dire un énorme pied de nez à tous ceux et celles qui devront, eux, se dévêtir de leurs symboles religieux.
Une telle obstination a une explication probable : le modèle français. C’est l’exemple de la France qui souffle au gouvernement ses propositions les plus audacieuses, dont l’interdiction de porter des signes religieux. Personnellement, je trouve curieux qu’on veuille imiter un modèle qui n’a inspiré personne d’autre, même pas un autre pays européen, et qui est loin d’avoir clos la question ou mis fin aux tensions raciales au pays de Jeanne d’Arc.
Et pourquoi s’inspirer de la France aujourd’hui, alors qu’en éducation, par exemple, on a raté une belle occasion de le faire, il y a un an ? Mis à part certaines mesures de promotion culturelle, le fait est qu’on s’inspire peu de la France. Et pour cause : historiquement, géographiquement, politiquement, même socialement, nous sommes très éloignés l’un de l’autre. C’est d’ailleurs quelque chose qui saute au visage la première fois qu’on met les pieds là-bas. On sent les codes, les hiérarchies, les bonnes et les mauvaises façons de faire, l’énorme fossé qui sépare le Nouveau Monde, plus spontané, mais toujours un peu dégingandé, de l’ancien, plus formel, mais toujours un peu guindé.
Encore plus que ses voisins européens, la France est un pays qui est en amour avec ses propres rituels, en amour aussi avec les apparences, quiconque s’est fait rappeler son accent québécois en sait quelque chose, on s’en prend rapidement à ce qui accroche l’oeil ou l’oreille là-bas. Bien sûr, l’esprit républicain, le grand héritage de la Révolution française, explique en partie ce culte de la laïcité chez nos cousins. Mais le légendaire chauvinisme français y est pour quelque chose aussi.
Immigration
Il y a d’autres raisons pour lesquelles la France ne peut nous servir ici de modèle. Le principe fondateur du Nouveau Monde est celui de la colonisation, de gens venus d’ailleurs pour repartir à neuf. L’immigration est la clé de voûte de notre existence, comme de notre éventuelle survivance. Non seulement la France a-t-elle une tout autre histoire, la notion d’immigration lui est assez étrangère. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale, et le besoin de reconstruire le pays, que la France ouvre ses portes aux étrangers d’origine non européenne. D’ailleurs, jusqu’au début des années 70, l’immigration est perçue largement comme une question de main-d’oeuvre temporaire et les migrants sont placés dans des « foyers » pour travailleurs étrangers. Bien sûr, le Canada a aussi connu des moments de grande frilosité envers les immigrants (les Chinois durant la construction du chemin de fer, les Juifs et les Japonais durant la Deuxième Guerre), mais l’immigration, ici, n’est plus depuis longtemps un sujet de controverse. En France, grâce au Front national de Jean-Marie Le Pen, il l’est resté. Bref, malgré la culture qui nous unit, l’intégration de cultures étrangères n’est pas un facteur que nous partageons avec la mère patrie.
Surtout, la France ne craint pas pour sa survivance et ne compte certainement pas sur les immigrants pour y arriver. C’est peut-être la meilleure raison pour laquelle le modèle français est à prendre avec des pincettes. On peut considérer leur laïcité à la dure parfaitement légitime, plusieurs ici d’ailleurs le pensent, mais pour nous, dont l’avenir repose sur notre capacité de vendre cette grande et téméraire aventure culturelle appelée Québec au plus grand nombre, incluant à des gens venus d’ailleurs, ce n’est sûrement pas le modèle à suivre. L’aventure sera réussie le jour où l’on se reconnaîtra tous dans la même langue, mais avec la possibilité d’afficher des opinions contraires.
Des cinq volets proposés par le ministre Drainville, les trois premiers passent comme du beurre dans la poêle : 1. affirmer la neutralité de l’État comme valeur commune ; 2. établir l’égalité hommes-femmes de façon plus explicite dans la Charte québécoise des droits ; 3. imposer des directives à la fonction publique interdisant les demandes discriminatoires (exemple : exiger de traiter avec un homme plutôt qu’une femme).
Ce sont les deux derniers volets qui font problème : l’interdiction de porter des signes religieux dans les institutions publiques et parapubliques, pour ne rien dire du maintien des crucifix dans les conseils de ville et au Salon bleu. À ce chapitre, on s’explique mal l’entêtement du gouvernement Marois tellement le geste est contradictoire, pour ne pas dire un énorme pied de nez à tous ceux et celles qui devront, eux, se dévêtir de leurs symboles religieux.
Une telle obstination a une explication probable : le modèle français. C’est l’exemple de la France qui souffle au gouvernement ses propositions les plus audacieuses, dont l’interdiction de porter des signes religieux. Personnellement, je trouve curieux qu’on veuille imiter un modèle qui n’a inspiré personne d’autre, même pas un autre pays européen, et qui est loin d’avoir clos la question ou mis fin aux tensions raciales au pays de Jeanne d’Arc.
Et pourquoi s’inspirer de la France aujourd’hui, alors qu’en éducation, par exemple, on a raté une belle occasion de le faire, il y a un an ? Mis à part certaines mesures de promotion culturelle, le fait est qu’on s’inspire peu de la France. Et pour cause : historiquement, géographiquement, politiquement, même socialement, nous sommes très éloignés l’un de l’autre. C’est d’ailleurs quelque chose qui saute au visage la première fois qu’on met les pieds là-bas. On sent les codes, les hiérarchies, les bonnes et les mauvaises façons de faire, l’énorme fossé qui sépare le Nouveau Monde, plus spontané, mais toujours un peu dégingandé, de l’ancien, plus formel, mais toujours un peu guindé.
Encore plus que ses voisins européens, la France est un pays qui est en amour avec ses propres rituels, en amour aussi avec les apparences, quiconque s’est fait rappeler son accent québécois en sait quelque chose, on s’en prend rapidement à ce qui accroche l’oeil ou l’oreille là-bas. Bien sûr, l’esprit républicain, le grand héritage de la Révolution française, explique en partie ce culte de la laïcité chez nos cousins. Mais le légendaire chauvinisme français y est pour quelque chose aussi.
Immigration
Il y a d’autres raisons pour lesquelles la France ne peut nous servir ici de modèle. Le principe fondateur du Nouveau Monde est celui de la colonisation, de gens venus d’ailleurs pour repartir à neuf. L’immigration est la clé de voûte de notre existence, comme de notre éventuelle survivance. Non seulement la France a-t-elle une tout autre histoire, la notion d’immigration lui est assez étrangère. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale, et le besoin de reconstruire le pays, que la France ouvre ses portes aux étrangers d’origine non européenne. D’ailleurs, jusqu’au début des années 70, l’immigration est perçue largement comme une question de main-d’oeuvre temporaire et les migrants sont placés dans des « foyers » pour travailleurs étrangers. Bien sûr, le Canada a aussi connu des moments de grande frilosité envers les immigrants (les Chinois durant la construction du chemin de fer, les Juifs et les Japonais durant la Deuxième Guerre), mais l’immigration, ici, n’est plus depuis longtemps un sujet de controverse. En France, grâce au Front national de Jean-Marie Le Pen, il l’est resté. Bref, malgré la culture qui nous unit, l’intégration de cultures étrangères n’est pas un facteur que nous partageons avec la mère patrie.
Surtout, la France ne craint pas pour sa survivance et ne compte certainement pas sur les immigrants pour y arriver. C’est peut-être la meilleure raison pour laquelle le modèle français est à prendre avec des pincettes. On peut considérer leur laïcité à la dure parfaitement légitime, plusieurs ici d’ailleurs le pensent, mais pour nous, dont l’avenir repose sur notre capacité de vendre cette grande et téméraire aventure culturelle appelée Québec au plus grand nombre, incluant à des gens venus d’ailleurs, ce n’est sûrement pas le modèle à suivre. L’aventure sera réussie le jour où l’on se reconnaîtra tous dans la même langue, mais avec la possibilité d’afficher des opinions contraires.
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