Après 26 ans dans le couloir de la mort,
c'est aujourd'hui à 18h, dans une prison d'état de la Floride, que William Van
Poyck sera mis à mort par injection létale. Van Poyck est accusé du meurtre
d'un agent correctionnel lors d'une tentative de libération d'un ami prisonnier
en 1987. Poyck doit se compter chanceux puisque son complice, Frank Valdes, a
été battu à mort par des gardes de prison en 1999.
Avant d'être menotté et transféré, le 3 mai
dernier, dans un cubicule attenant à la "chambre de la mort", où il
est constamment sous observation, Van Poyck était un des rares à témoigner des
abus du système, dit le journaliste Chris Hedges. Devenu un espèce de Jean
Genest des condamnés à mort, Van Poyck publie depuis des années un blog (deathrowdiary.blogspot.com) qui a
fait sa renommée.
"Ici dans le couloir on déduit l'heure
de l'exécution en voyant apparaître le vieux Cadillac blanc à la grille du
poterne, le même vieux corbillard que j'observe depuis 40 ans venant cueillir
les cadavres (...) Imaginez-vous un instant couché sur le brancard, les
aiguilles dans le bras, sachant que c'est maintenant que ça se termine et, tout
à coup, un cruel sursis, on arrête tout, une cour quelque part réexamine votre
cas. Vous vous y accrochez, vous comptez les minutes, entouré d'hommes aux
visages sévères, le coeur en cavalcade, terrifié, vos pensées se butant aux
parois de votre cerveau. Et puis, le téléphone au mur sonne, et on vous dit que,
non, vous allez mourir. J'appelle ça un traitement cruel et inusité."
Van Poyck a toujours maintenu qu'il n'avait
pas tiré les coups qui ont coûté la vie à l'agent de prison. Et même s'il
l'avait fait, demande Chris Hedges, l'État peut-il tuer au nom de la justice?
"Est-ce qu'on viole les violeurs? Est-ce qu'on abuse sexuellement les
pédophiles? Est-ce qu'on écrase les chauffards avec une auto?..."
L'envers du fameux rêve américain --une
place au soleil pour qui le veut-- ce sont ces sinistres couloirs qui
s'allongent exponentiellement depuis 40 ans : 134 condamnés à mort en 1973 contre
3,125 en 2013. Tous les pays occidentaux qui utilisaient la peine de mort, dont
le Canada, ont abandonné la pratique pour une raison évidente: un État ne peut
avoir droit de vie et de mort sur ses citoyens, même les plus perfides d'entre
eux. C'est moralement indéfendable et ouvre la porte aux pires abus.
On voit d'ailleurs la forme que prennent
ces abus aux USA. Accusé d'avoir mis "la sécurité nationale en danger", le jeune
soldat Bradley Manning est devant une cour martiale en ce moment même, sans
possibilité de plaider son droit de conscience. Posté en Iraq en 2010, Manning a
coulé des informations à WikiLeaks, notamment un vidéo d'une attaque par
hélicoptère tuant 12 civils, dont deux journalistes de Reuters. L'agence de presse a exigé de voir la
vidéo, mais l'armée américaine a nié son existence.
"Bradley Manning croyait de son devoir
d'informer le public des abus qui avaient été commis", dit son avocat,
David E. Coombs. Seulement, les documents publicisés par Manning, relatant des
meurtres et de la torture, sont "classifiés" et non admissibles en
cour. Le soldat ne peut donc plaider qu'il avait un droit moral et légal, selon
le droit international, de dénoncer des crimes de guerre puisqu'il n'a pas
accès aux documents qui constituent sa défense. Un "lynchage judiciaire" qui pourrait voir l'homme
de 25 ans emprisonné à vie, étant donné l'acharnement de l'administration
américaine à le poursuivre pour chacune des 22 accusations qui pèsent contre
lui. Ou, si vous voulez, l'équivalent de se faire battre à mort par des dits
agents de sécurité.
On ne joue pas impunément avec la sécurité
de l'Oncle Sam. Edward Snowden, lui, l'a bien compris et eut la bonne idée de
se réfugier à Hong Kong cette semaine avant de publiciser les programmes secrets
de l'Agence de sécurité nationale visant l'écoute téléphonique et les
communication d'internautes. " «Vous ne pouvez pas savoir tout ce qui est
possible de faire, l'ampleur de leurs capacités est horrifiante», dit-il.
Et le Canada là-dedans? Les dernières
révélations concernant le Centre de la sécurité des télécommunications montrent
que le "plus meilleur pays du monde" n'a pas résisté aux pressions
américaines pour supposément lutter contre le terrorisme. On soupçonne qu'ici
aussi d'honnêtes citoyens ont été espionnés par excès de zèle. On se doute
aussi que, dans des circonstances similaires, le gouvernement conservateur se
montrerait aussi impitoyable que nos vis-à-vis du Sud. Comment s'en surprendre?
Entre autres abus commis par son gouvernement, Stephen Harper est aussi le seul
Premier ministre en 50 ans à se dire favorable à la peine de mort.
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