Avant l'arrestation du prétendu "gangster"
de Laval, le maire Gilles
Vaillancourt, j'avoue m'être difficilement intéressée à la Commission
Charbonneau. L'aveu me pèse un peu car ce qu'on y apprend est quand même
bouleversant. Suis-je donc comme la mère de famille qui refuse de croire que sa
fille a été taponnée, des années durant, par un mon'oncle lors des veillées de Noël?
Juste trop effrayant? Ou simplement trop plate?
Mise à part une pointe d'intérêt pour Lino ("aux
airs de Robert de Niro") Zambito et, plus récemment, le fantôme de Duplessis
lui-même, Gilles Cloutier, sorti tout droit d'un mauvais téléthéâtre des années
50, j'ai trouvé la procession de complets-cravates un peu terne, je dois dire,
et les aveux un peu trop répétitifs. C'est vrai que les affaires municipales,
comme écrivait Yves Boisvert dans La Presse récemment, sont à dormir debout.
Mais les confessions de vieux snoreaux de cette même politique le sont souvent aussi.
Personnellement, j'ai hâte qu'on en finisse
avec l'énumération des grosses enveloppes brunes, des factures gonflées et
même, bien que je l'ai savouré celle-là, des "messagères en tenue
légère". Hâte qu'on arrête de se demander pourquoi ç'a pris 30 ans avant
de passer les menottes à Gilles
Vaillancourt et qu'on se demande comment a-t-on fait pour tomber si bas.
Après s'être félicité, depuis 50 ans, de
nos pas de géants, de tout le progrès accompli, avec raison d'ailleurs, on se
réveille un bon matin pour s'apercevoir que Duplessis n'est pas tout à fait mort.
Ça ébranle. Le duplessisme serait donc comme le sexisme? Ça prend beaucoup plus
qu'une génération ou deux pour l'enrayer; ça résiste comme une tache de
graisse. Mais pourquoi chez certains et pas chez d'autres? Comment expliquer ce
degré zéro de la moralité, notamment au municipal?
Le chroniqueur du Globe and Mail, Doug
Saunders, offre un élément de réponse. Saviez-vous que votre capacité de penser
moralement, c'est-à-dire de faire abstraction de situations quotidiennes pour
en peser le pour et le contre, ce qu'on désigne comme le "quotient
intellectuel", est directement liée à votre degré de modernité? Plus vous
vivez dans un contexte urbain, sophistiqué, éduqué, informé, interrelié... plus
vous êtes capable de voir les choses d'un point de vue relatif, c'est-à-dire moral.
En d'autres mots, il faut pouvoir se mettre dans la peau des autres pour bien
percevoir ce qui est bien et ce qui est mal.
On voit tout de suite le lien avec le
municipal, en commençant par ce "gros village" qu'est Laval. Plus le
monde est petit, replié sur lui-même, plus il est cave (littéralement), voire
amoral. C'est d'ailleurs pourquoi, écrit Saunders, "les pays en voie de
développement, les minorités, les gens ruraux, les marginaux, les exclus, tous
ceux qui sont plus isolés, performent moins bien sur les tests de QI". Ce
n'est évidemment pas une question d'intelligence pure (1 +1 = 2) mais plutôt
d'appréhension d'une réalité qui est plus large que soi. On peut dire sans se
tromper que les Gilles Cloutier et Gilles Vaillancourt de ce monde ne sont pas
forts là-dedans. Quand on ment (sous serment) sur un simple droit de propriété,
c'est qu'on est furieusement enfoncé dans son nombril.
En attendant le grand examen de conscience,
il faut peut-être rappeler qu'il n'y a pas que les vedettes véreuses de la
Commission Charbonneau qui condamne au cynisme. Curieusement, ceux-là mêmes qui
prétendent nous en guérir sont également responsables de sa propagation. Prenez
le PQ. On ne compte plus les promesses brisées et retournements de vestes de ce
gouvernement, de la taxe santé aux redevances minières, en passant par les
coupures à l'aide social et l'alcool aux tables de jeu. C'est cynique ça aussi.
"Flash à gauche pis tourne à
droite", la nouvelle description du gouvernement Marois, qui s'applique
également à Hollande en France et Obama aux USA, est peut-être une affection
moins grave que la corruption mais elle mine, elle aussi. Elle sape la notion
même d'idéal, nous fait croire que tout se vaut, en autant que les livres
balancent au bout de la semaine. Ultimement, ce type de comportement encourage
non seulement le désabusement de l'électorat mais une certaine amoralité. S'il
y a juste l'argent qui compte... on voit la suite.
Cela dit, la palme du cynisme cette semaine
revient au nouveau chef de direction de Québécor, Robert Dépatie. S'élevant
contre la transaction Bell-Astral, M. Dépatie a déclaré, pince sans rire,
"ça ne devrait pas exister une entreprise avec autant de contrôle."
Ça ne devrait pas non plus exister des
richissimes hommes d'affaires prêts à dire n'importe quoi pour maintenir leurs
avantages coûte que coûte.
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