Maintenant que les cardinaux américains,
toujours un peu trop enclins à parler, ont été rappelés à l'ordre, les fenêtres
de la Chapelle Sixtine bouchées et les 115 princes de l'Eglise dûment enfermés
à clé, coupés du vaste monde jusqu'à pape s'ensuive, les paris sont ouverts à
savoir si le prochain Saint-Père saura, oui ou non, réformer le royaume.
Le fait que le conclave ne compte que des
conservateurs, tous les cardinaux présents ont été nommés par Jean-Paul II ou
Benoit XVI, n'a évidemment rien de rassurant. Mais le rituel lui-même, ce curieux
huis clos, auréolé de fumée et du St-Esprit, n'est pas non plus de nature à
rassurer.
Le culte du secret, à la base de bien des
scandales, est aussi un aspect fondamental du Vatican. C'est au nom de la
bouche cousue que le pape Pie XII, par exemple, refusa d'intervenir lors de l'Holocauste. Averti que le
massacre des Juifs prenait "une proportion et des formes alarmantes",
il préféra rester coi, de peur d'indisposer les catholiques d'Allemagne. Scandale
largement tu, ce qui permit à l'actuel pape de sacrer son prédécesseur "Saint
Pie XII", en 2008.
Le Saint-Siège a une obsession de la porte
close, c'est évident, ce qui a laissé libre cours à d'innombrables dérapages, sexuels
et autres, mais aussi, financiers.
"Comment osez-vous nous poser de telles
questions?", a répondu, outré, un porte-parole ecclésiastique lorsque
confronté aux interrogations de la Commission européenne concernant la banque du
Vatican.
On ne sait pas encore grand chose de cette
banque qui, comme toute chose vaticane, croupie sous le secret. Créée en 1942
et connue sous le nom de l'Institut pour les oeuvres religieuses, on la soupçonne
d'avoir financé les activités anti-communistes dans les pays d'Europe de l'est durant
la guerre froide. Aujourd'hui, l'argent irait plutôt à Cuba et en Chine. En
2011, la seule année pour laquelle le Saint-Siège a fournit de l'information,
la banque comptait 2,772 clients et un actif de 8.3 milliards. Mais un rapport du
Economist évalue les dépenses du Vatican,
en 2010, à 171 milliards, la qualifiant comme une des 100 organisations les
plus riches au monde.
C'est précisément parce que la banque du
Vatican a longtemps refusé de divulguer la nature de ses transactions qu'on la
soupçonne de blanchissement d'argent. En mai dernier, dans la foulée de "Vatileaks",
les révélations du majordome papal concernant les intrigues de palais et problèmes
de corruption, l'ancien directeur de la banque sainte, Ettore Gotti Tedeschi, un
proche du pape et membre de l'Opus Dei, a été arrêté par les autorités
italiennes et ensuite démis de ses fonctions. En 1982, le directeur de Banco Ambrosiano, laquelle était liée
à la banque du Vatican, a été trouvé pendu sous un pont de Londres après que
1.3 milliards d'investissements en Amérique latine aient mystérieusement
disparu.
Des deux plaies qui ont poussé Benoit XVI à
démissionner, les abus sexuels et les intrigues financières, il n'est pas dit
que la deuxième ne pèse pas plus lourd dans la balance. Depuis décembre 2000,
le Vatican a signé une entente monétaire avec la communauté européenne pour
l'utilisation de l'euro sur son territoire. (Cela lui permet aussi, rapporte le
New York Times, "de vendre aux touristes une monnaie signée Città del
Vaticano à prix considérablement plus élevé"). Mais, contrairement aux
autres pays d'Europe, le Vatican n'a pas voulu se soumettre aux mêmes standards
de transparence, notamment en ce qui concerne le blanchissement d'argent.
Finalement, en 2009, sous Benoit XVI, le Vatican accepta de se soumettre à la
Cour de l'Union Européenne. "La première fois dans l'histoire que le
Vatican reconnaissait une autorité supérieure, autre que Dieu", dit un
représentant de l'UE.
Le scandale de Vatileaks aidant, l'actuel
pape a depuis créé une Autorité financière au Vatican, tout en la plaçant sous
la gouverne d'un ex banquier suisse (on connait leur penchant pour le secret). Selon
le journaliste italien Carlo Marroni, "le Vatican demeure une zone grise."
De toute évidence, il y a quelque chose de
pourrie dans la maison de Dieu qui dépasse la simple répression sexuelle de son
clergé. D'ailleurs, le célibat des prêtres a été imposé, au 12e siècle seulement,
pour des raisons d'argent. Le célibat assurait que la propriété du clergé reste
à l'Eglise plutôt qu'aux héritiers, une façon pour le Vatican de consolider ses
biens.
A l'heure où le monde entier tourne son
regard vers une cheminée, des observateurs s'étonnent que les questions
spirituelles ne soient pas davantage discutées. Comment s'en surprendre? Follow the money, le célèbre slogan du
scandale Watergate, pourrait bien être la clé pour mieux comprendre le Vatican aujourd'hui.
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