mardi 12 mars 2013

La vraie nature du Vatican

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Maintenant que les cardinaux américains, toujours un peu trop enclins à parler, ont été rappelés à l'ordre, les fenêtres de la Chapelle Sixtine bouchées et les 115 princes de l'Eglise dûment enfermés à clé, coupés du vaste monde jusqu'à pape s'ensuive, les paris sont ouverts à savoir si le prochain Saint-Père saura, oui ou non, réformer le royaume.

Le fait que le conclave ne compte que des conservateurs, tous les cardinaux présents ont été nommés par Jean-Paul II ou Benoit XVI, n'a évidemment rien de rassurant. Mais le rituel lui-même, ce curieux huis clos, auréolé de fumée et du St-Esprit, n'est pas non plus de nature à rassurer.

Le culte du secret, à la base de bien des scandales, est aussi un aspect fondamental du Vatican. C'est au nom de la bouche cousue que le pape Pie XII, par exemple,  refusa d'intervenir lors de l'Holocauste. Averti que le massacre des Juifs prenait "une proportion et des formes alarmantes", il préféra rester coi, de peur d'indisposer les catholiques d'Allemagne. Scandale largement tu, ce qui permit à l'actuel pape de sacrer son prédécesseur "Saint Pie XII", en 2008.

Le Saint-Siège a une obsession de la porte close, c'est évident, ce qui a laissé libre cours à d'innombrables dérapages, sexuels et autres, mais aussi, financiers.

"Comment osez-vous nous poser de telles questions?", a répondu, outré, un porte-parole ecclésiastique lorsque confronté aux interrogations de la Commission européenne concernant la banque du Vatican.

On ne sait pas encore grand chose de cette banque qui, comme toute chose vaticane, croupie sous le secret. Créée en 1942 et connue sous le nom de l'Institut pour les oeuvres religieuses, on la soupçonne d'avoir financé les activités anti-communistes dans les pays d'Europe de l'est durant la guerre froide. Aujourd'hui, l'argent irait plutôt à Cuba et en Chine. En 2011, la seule année pour laquelle le Saint-Siège a fournit de l'information, la banque comptait 2,772 clients et un actif de 8.3 milliards. Mais un rapport du Economist évalue les dépenses du Vatican, en 2010, à 171 milliards, la qualifiant comme une des 100 organisations les plus riches au monde.

C'est précisément parce que la banque du Vatican a longtemps refusé de divulguer la nature de ses transactions qu'on la soupçonne de blanchissement d'argent. En mai dernier, dans la foulée de "Vatileaks", les révélations du majordome papal concernant les intrigues de palais et problèmes de corruption, l'ancien directeur de la banque sainte, Ettore Gotti Tedeschi, un proche du pape et membre de l'Opus Dei, a été arrêté par les autorités italiennes et ensuite démis de ses fonctions.  En 1982, le directeur de Banco Ambrosiano, laquelle était liée à la banque du Vatican, a été trouvé pendu sous un pont de Londres après que 1.3 milliards d'investissements en Amérique latine aient mystérieusement disparu.

Des deux plaies qui ont poussé Benoit XVI à démissionner, les abus sexuels et les intrigues financières, il n'est pas dit que la deuxième ne pèse pas plus lourd dans la balance. Depuis décembre 2000, le Vatican a signé une entente monétaire avec la communauté européenne pour l'utilisation de l'euro sur son territoire. (Cela lui permet aussi, rapporte le New York Times, "de vendre aux touristes une monnaie signée Città del Vaticano à prix considérablement plus élevé"). Mais, contrairement aux autres pays d'Europe, le Vatican n'a pas voulu se soumettre aux mêmes standards de transparence, notamment en ce qui concerne le blanchissement d'argent. Finalement, en 2009, sous Benoit XVI, le Vatican accepta de se soumettre à la Cour de l'Union Européenne. "La première fois dans l'histoire que le Vatican reconnaissait une autorité supérieure, autre que Dieu", dit un représentant de l'UE.

Le scandale de Vatileaks aidant, l'actuel pape a depuis créé une Autorité financière au Vatican, tout en la plaçant sous la gouverne d'un ex banquier suisse (on connait leur penchant pour le secret). Selon le journaliste italien Carlo Marroni, "le Vatican demeure une zone grise."

De toute évidence, il y a quelque chose de pourrie dans la maison de Dieu qui dépasse la simple répression sexuelle de son clergé. D'ailleurs, le célibat des prêtres a été imposé, au 12e siècle seulement, pour des raisons d'argent. Le célibat assurait que la propriété du clergé reste à l'Eglise plutôt qu'aux héritiers, une façon pour le Vatican de consolider ses biens.

A l'heure où le monde entier tourne son regard vers une cheminée, des observateurs s'étonnent que les questions spirituelles ne soient pas davantage discutées. Comment s'en surprendre? Follow the money, le célèbre slogan du scandale Watergate, pourrait bien être la clé pour mieux comprendre le Vatican aujourd'hui.

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