Après le douloureux clivage suscité par le
mouvement étudiant le printemps dernier, voici venu un autre grand sujet de
division: l'exploration pétrolière.
D'un côté, les "pragmatiques" qui
voient une occasion en or d'exploiter une ressource convoitée, la même qui, en
quelques décennies, a transformé la fluette Alberta en Godzilla de l'économie.
De l'autre, les "idéologues" qui croient mal avisé le développement
d'une denrée polluante et non renouvelable, pour les populations environnantes
ainsi que l'environnement lui-même.
À vue de nez, les premiers paraissent plus
nombreux et décidément plus forts en gueule, pouvant compter sur des ténors
tels Alain Dubuc et Bernard Landry, et jusqu'à la ministre des Ressources
naturelles, Martine Ouellet, ce qui surprend quand même un peu.
Faute de printemps, les
opposants-idéologues, pour reprendre le terme de l'aspirant-chef, Raymond
Bachand, hésitent encore à foncer. Sans doute est-il plus difficile de s'élever
contre l'exploration pétrolière, qui évoque une denrée dure, le développement
économique (on "aime"), plutôt que la hausse des droits de scolarité,
une denrée molle, évoquant une simple philosophie de l'éducation (du
"peut-être").
Et puis, Pétrolia, la compagnie qui zieute
l'or noir québécois, s'est montrée à ce jour très adepte à mener le débat. "Nous
aussi on est des Québécois", plaidait sa vice-présidente, Isabelle Proulx,
récemment. En d'autres mots, je veux ce que tu veux, mes valeurs sont tes valeurs,
et swinge la baquaise. Faire appel à la notion de "grande famille québécoise"
est drôlement efficace pour attirer la sympathie d'une population pour qui les
méchants loups, règle générale, viennent de l'extérieur.
Cette timidité des opposants n'est pas sans
trancher, par contre, avec ce qui se passe sur la scène internationale. "Nous
sommes à un moment critique de notre histoire ", dit un expert après
l'autre. Le dernier en lice? Non pas Al Gore, qui vient de commettre un nouvel
ouvrage sur la question, mais le National Intelligence Council, l'organisme
chargé de recueillir les renseignements stratégiques aux Etats-Unis. Son
dernier rapport prévoit que les questions environnementales, en conjonction
avec les nouvelles technologies et "une insatisfaction croissante de la
classe moyenne face aux gouvernements" vont déclencher "des changements
économiques et politiques radicaux (...) à un niveau encore jamais vu". Et
tout cela, d'ici 2030.
La Royal Society de Londres affirme pour sa
part que nous sommes confrontés à la possibilité de "l'effondrement global
de la planète." Ça ne fera pas kaboum! comme ont pu le croire des milliers
de petits Nord-Américains (dont j'étais), blottis sous leurs pupitres en
prévision d'une guerre nucléaire entre l'URSS et les USA. La fin du monde
ressemblera davantage à La route de
Cormac McCarthy, une désolation sans fin. Peu probable avant l'an 2100 mais
sait-on jamais. Il s'agirait d'une "petite guerre nucléaire", telle
que menace sans cesse la Corée du Nord (pour ceux qui se demandent ce que
Pyongyang vient faire ici), pour que l'innommable arrive.
"À peu près toutes les civilisations
se sont écroulées à un moment ou autre. Certaines, telles l'Egypte ou la Chine,
se sont ressaisies; d'autres, comme celles de l'île de Pâques ou les Mayas ont
disparu pour toujours (...). Mais aujourd'hui, pour la première fois dans
l'histoire de l'humanité, le monde entier, cette civilisation hautement
technologique et interconnectée qui, à divers degrés, nous lie tous, pourrait,
à cause de problèmes environnementaux, s'écrouler à tout jamais", dit Can a Collapse of Global Civilization Be
Avoided?
Il y a plein de choses, dans ce vaste
monde, qui me donnent envie de pleurer. Les femmes indiennes violées avec des
barres de fer, les néo-nazis, les talibans, les conditions de vie des autochtones,
la Commission Charbonneau... Mais ça? La destruction définitive de la planète? Par pure indolence, pure
avarice? Ça me donne le goût de me coucher sous le pont Jacques-Cartier et d'y
rester.
Il est tellement évident --comme en témoignent
les soi-disant réalistes, toujours si prompts à décrier les "pelleteux de
nuage"-- que nous sommes à mille lieues de regarder ces problèmes en face.
Ça va prendre des calamités environnementales à répétition, partout sur la
planète et idéalement en même temps, pour secouer cette indécrottable manie de
compter ses cennes avant de compter les arbres. Et puis, il y a un autre
obstacle. Pour éviter la catastrophe, il va falloir agir au niveau planétaire.
Ça aussi c'est du jamais vu.
Vu les mentalités de bunker, à la Pyongyang,
qui s'illustrent à chaque nouveau sommet sur l'environnement, dont celui du
Canada, cette concertation n'est visiblement pas pour demain.
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