Où commencer? La question autochtone pèse tellement lourd, sur nos
consciences à défaut d'autre chose, qu'il est difficile de savoir comment
l'aborder. Il faut certainement applaudir cette mobilisation sans précédent
qui, comme les étudiants le printemps dernier, étonne et force à revoir
certains préjugés.
La mobilisation a d'ailleurs déjà atteint une ampleur qui dépasse les
strictes revendications autochtones. En s'élevant contre l'invraisemblable
fouillis qu'est la loi omnibus, le mouvement Idle No More s'attaque aussi à la
dilapidation de l'environnement et à l'érosion du processus démocratique dont
le gouvernement Harper a depuis longtemps fait ses marques de commerce. Il faut
les en remercier.
Mais comme pour les étudiants, et le mouvement des indignés avant eux, la
question se pose: et puis, après? La mobilisation a beau étonner, il faut
qu'elle puisse donner des résultats concrets.
C'est ici que tout s'embrouille. La division dans les rangs et le peu
de revendications spécifiques n'aident pas, c'est sûr. Mais le contexte dans
lequel s'inscrit la question autochtone complexifie la chose bien davantage.
Les Premières nations se considèrent comme des peuples "non
conquis", ce qui les placent dans une situation unique. L'histoire de
l'humanité, après tout, est une longue série de melting pot: les conquérants disent aux conquis comment vivre, même
si dans certains cas, comme en Nouvelle-France, ils sont prêts à faire des (grosses)
concessions. Bref, tout le monde est forcé de changer et apprendre à se
connaître, un tant soit peu. Les autochtones, eux, pour des raisons
parfaitement légitimes, n'ont pas embarqué dans ce train.
Tant et si longtemps qu'ils agissaient comme partenaires militaires ou
économiques des Britanniques, c'était le meilleur des deux mondes. Mais dès
1820, les "sauvages" sont perçus comme une entrave à la colonisation.
La Loi de la Civilisation graduelle (sic), qui deviendra éventuellement la loi
sur les Indiens, initiera la sédentarisation des autochtones en établissant les
premières réserves, et, surtout, leur humiliation et dépendance à perpétuité.
La tragédie autochtone commence là. En prétendant leur offrir une
certaine autonomie, sous guise de traités et territoires, on les a en fait enfermés
dans des petites bulles suspendues dans le temps où le paternalisme
bienveillant du colonisateur dictait qui avait droit à un "statut"
indien ou pas. Pour ne rien dire de l'infamie des écoles résidentielles. La loi
sur les Indiens interdit à ce jour au conseil de bande de rendre des comptes à
ses propres membres, ce qui explique, en partie, les coins ronds dans
l'administration de certaines réserves autochtones. Mais en partie seulement.
Presque 200 ans plus tard, il n'y a pas que le paternalisme bienveillant
ou encore, l'indifférence généralisée, qui font problème. Il y a aussi l'esprit
de dépendance chez bon nombre d'autochtones. Un peu comme l'épineuse question
de gestion de la chef d'Attawapiskat, c'est un aspect dont on ne veut pas trop
parler, de peur d'affaiblir les vulnérables. Mais le problème existe. La loi
sur les Indiens, le manque de contrôle sur leurs propres vies et la désaffiliation
avec la société environnante qui en découle, a créé une mentalité de 'b-s' indéniable
chez les d'autochtones.
Ce n'est pas quelque chose dont les représentants autochtones parlent
spontanément. On les comprend vu le penchant malicieux d'utiliser ces lacunes
contre eux. Mais espérons que ce nouveau mouvement de protestation, qui n'est pas
seulement contre les "lois assimilatrices" du gouvernement fédéral mais
en veut aussi au leadership conventionnel, et pas toujours probant, des autochtones,
saura mettre fin au méli-mélo.
Il faut en finir avec l'idée de peuples qui "attendent leur
délivrance" et voir les Premières nations atteindre une autonomie qu'on
leur a toujours refusé, tactique à laquelle trop d'autochtones ont eux-mêmes
contribuée.
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