dimanche 7 octobre 2012

Avortement, prise deux



Après Stephen Woodworth, voici Mark Warawa,  un autre député conservateur d'arrière banc voulant rouvrir le débat sur l'avortement, malgré les prétentions contraires du conservateur en chef, Stephen Harper. Difficile de ne pas voir là un espèce de jeu d'échecs redoutable. Le gouvernement Harper pourrait bien être en train de devenir le Bobby Fisher de la politique fédérale.

Il y a à peine une semaine, le Parlement a été appelé à voter sur la motion du député Woodsworth visant à redéfinir le moment où commence la vie humaine. Bien que défait en Chambre, la moitié des députés conservateurs ont voté en faveur de ce projet de loi, dont 10 ministres, incluant l'inconséquente ministre de la condition féminine, Rona Ambrose, et l'influent ministre de l'immigration, Jason Kenney.

Stephen Harper a beau répéter que le débat sur l'avortement n'est pas sa tasse de thé, il est évident que son parti, aujourd'hui majoritaire, est de plus en plus enclin à montrer ses vraies couleurs, c'est-à-dire sa morale conservatrice (dont les femmes, évidemment, sont les premières à faire les frais). Comme le disait le chroniqueur du Globe and Mail John Ibbitson,  impossible de ne pas voir dans cette prise de position, notamment de la part d'un Jason Kenney, la voie vers laquelle se dirige le PC, sinon sous Stephen Harper, du moins sous le prochain chef.

Ce qu'il y a d'intéressant dans la motion de Mark Warawa, déposée une journée seulement après celle de son collègue Woodworth, c'est qu'elle vise, à primes abords, un but contraire : l'arrêt des avortements liés au sexe. Se disant perturbé par de récentes données indiquant que, dans certaines communautés, des femmes avortaient en apprenant qu'elles portaient une fille, voici donc un député conservateur se portant à la défense --ô surprise!-- de l'égalité hommes-femmes. C'est la couleuvre, du moins, que voudrait nous faire avaler M. Warawa.

L'odieux de cette pratique ne peut, bien sûr, laisser personne indifférent.  Le député en est que trop conscient. "Je pense que nous avons ici un projet de loi que tout le monde peut appuyer", dit-il. C'est précisément là où le jeu d'échecs entre en ligne de compte. La manoeuvre vise à amener des gens qui n'ont pas d'opinions arrêtées sur la question de l'avortement  de se mouiller. Ou mieux, d'amener des personnes qui ont toujours défendu l'avortement, au nom du droit des femmes, de s'élever contre la pratique pour les mêmes raisons. La pente est savonneuse en ti-ti. Une fois l'avortement jugé inacceptable pour une raison bien identifiée, il est difficile de prétendre que sa pratique n'est pas toujours inacceptable.

Heureusement, les associations féministes comme les députés de l'opposition n'ont pas l'intention de se laisser berner par cette manoeuvre. "Nous ne croyons pas pour un instant que cette motion vise réellement en enrayer la sélection des foetus", selon Julie Lalonde de la Coalition pour les droits à l'avortement. Mais bien qu'il est fort probable que la motion soit défaite, lors du vote prévu le printemps prochain, elle aura réussi à rouvrir, encore une fois, le débat sur l'avortement. Précisément ce dont Stephen Harper clame qu'il ne veut pas.

Mine de rien, on force les gens à relativiser le droit des femmes de choisir leurs grossesses au nom du droit des foetus femelles d'exister. En d'autres mots, on en train d'ériger une sorte d'hiéarchie des droits des femmes où celles des non-nées auraient précédence sur les femmes existantes.

A bien y penser, la manoeuvre est digne de Machiavel, bien davantage que de Bobby Fisher, et est à condamner de plus belle.










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