Deux pays. Deux campagnes électorales. Deux
bourdes gargantuesques.
Au Québec, le maire de Saguenay Jean
Tremblay a sommé la candidate péquiste Djemila Benhabib, ardente promotrice
d'une charte de la laïcité, de se taire. "C'est pas la charte
comme telle, a-t-il dit. C'est de voir une personne, je ne suis même pas capable de prononcer son nom,
d'Algérie, qui ne connaît pas notre culture, mais c'est elle qui va dicter les
règles".
Aux États-Unis, le représentant républicain du Missouri, Todd Akin, s'est distingué,
lui, par sa méconnaissance grossière de la biologie, pour ne rien dire du viol.
"Si c'est un véritable viol, a-t-il affirmé, le corps de la femme a
des moyens pour arrêter la machine et ne pas tomber enceinte".
Dans les deux cas, la bêtise est à ce point
consommée qu'il est tentant de n'y voir que du feu. C'est-à-dire de mettre ça
sur le compte des nonos de ce monde, point à la ligne. Mais ce serait une
erreur. On a, après tout, les nonos qu'on mérite.
Le parti républicain a beau se dissocier des
propos de Todd Akin, le pousser même à céder sa candidature, l'incident n'est
pas si exceptionnel. D'autres républicains ont contribué à répandre le mythe
des faux viols, comme des ressorts mystérieux du corps féminin. Le conservateur
du North Dakota, Henry Aldridge, par exemple, croit que "le jus ne coule
pas" chez les femmes "légitimement" violées. Un autre, Stephen
Freind, croit que les femmes violées "secrètent une certaine sécretion"
pour empêcher la grossesse.
Au-delà des commentaires farfelus, il y a
le parti républicain lui-même qui de plus en plus "célèbre
l'ignorance" que ce soit par rapport à la théorie de l'évolution, les
changements climatiques ou, encore, l'avortement*. Il y a surtout un parti qui,
avec l'arrivée en force des membres du Tea Party en 2010, a été extraordinairement
éfficace à faire reculer le droit à l'avortement dans bon nombre d'états
américains.
Depuis 2011, pas moins de 124 propositions
législatives, un record, ont restreint la pratique de l'avortement. Le
Mississippi, par exemple, est passé de 14 cliniques d'avortement en 1980 à une
seule aujourd'hui. Pour plus de la moitié des femmes américaines, il est
difficile d'obtenir un avortement à l'heure actuelle. Alors, peu importe si la
bévue de Todd Akin lui coûtera son poste ou non, la "guerre contre les
femmes", menée tambour battant par le Grand Old Party, persistera.
Au Québec, on a peine à imaginer un tel
sexisme. Bien qu'on se demande si la charge du maire Tremblay contre Mme
Benhabib ne s'en inspirait pas quand même un peu, le problème ici est davantage
la xénophobie, la peur de l'Autre plutôt que la peur des femmes. Et M. Tremblay
n'est pas, lui non plus, unique dans son genre.
Les Québécois qui croient, à l'instar de
Mario Dumont et Richard Martineau, que nous sommes trop "mous" face
aux cultures étrangères se font de plus en plus remarqués. Pensons au député péquiste André Simard qui se plaignait le printemps dernier de
la pratique de boucherie halal, ce qui ne correspond pas, selon lui, "aux
valeurs québécoises".
On pense aussi à Pauline Marois qui pas
plus tard que cette semaine voulait exiger la connaissance du français à tout
candidat aux élections scolaires, municipales ou provinciales. Mesure qui
aurait créé deux classes de citoyens: les citoyens francophones, au-dessus de
tout soupçon, et les autres. Heureusement, une loi interdit une telle
discrimination envers les anglophones et allophones, comme a vite fait de le
rappeler Jean-François Lisée.
On pense finalement à cette absurde charte
de la laïcité proposée par le PQ qui interdirait "tout signe religieux
ostentatoire", tout en permettant les crucifix de l'Assemblée nationale et
ailleurs. Deux poids, deux mesures: une pour les citoyens majoritaires
(chrétiens), une autre pour les minoritaires (musulmans, juifs ou autres).
Comme écrit Michel C. Auger sur son blog: "La
laïcité n’est pas le droit du gouvernement d’interdire l’expression des
croyances religieuses des citoyens. C’est le droit des citoyens de vivre en
sachant que l’État ne prendra pas parti pour une religion contre toutes les
autres".
Or, la charte proposée par le
Parti Québécois fait exactement le contraire. Notez le saut particulièrement
périlleux qui consiste à invoquer "l'égalité hommes-femmes" pour
justifier l'interdiction de signes religieux (autres que ceux de la majorité).
En d'autres mots, par peur du sexisme, il faudrait verser dans la xénophobie.
C'est ce qu'on appelle se tortiller le derrière pour chier droit.
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