Plus de six mois maintenant que les jeunes
se mobilisent, prennent la rue, discutent en assemblée, parlent aux médias,
organisent des camps de formation, pétitionnent les tribunaux, imaginent (avec
l'aide de certains grands poètes) des slogans : "Nous sommes les bêtes
féroces de l'espoir"... Un véritable
tsunami d'activités et de débats auxquels se sont intéressés de grands
quotidiens comme Le Monde et le New York Times (et jusqu'au Paris Match!).
Rien d'autre de ce qui s'est passé au
Québec depuis le dernier référendum a su attirer autant d'attention. Et tout
ça, grâce aux "jeunes". Grâce à eux, nous avons eu l'impression de
vivre au coeur des événements, d'être au centre du monde. La fameuse phrase de
René Lévesque, "on est pas un p'tit peuple, on est quelque chose comme un
grand peuple", prenait tout son sens tout à coup. Du courage, de la
détermination, de l'éloquence... en voulez-vous en v'là.
Il était où François Legault pendant ce temps-là? Sur la planète Mars?
Depuis deux jours, le caquiste en chef
accuse les jeunes Québécois de vouloir faire "la belle vie", les
traitant de fainéants comparés à leurs vis-à-vis asiatiques, critiquant leurs
"valeurs" et leur
"méfiance face à la notion de productivité". S'il fallait encore une
preuve que le nouveau parti politique n'a d'yeux que pour ce qui fait tourner
l'économie, la voilà.
D'ailleurs, les portraits-robots publiés
aujourd'hui dans La Presse démontrent que la CAQ est le parti des hommes
d'affaires par excellence. On croyait le Parti libéral prostré à cet autel mais,
non, le parti de François Legault (un comptable agrée, après tout) compte déjà
beaucoup plus de fidèles: 49% de ses membres viennent du milieu des affaires
(contre seulement 27% au PLQ) et 78% sont des hommes. Ça n'en fait de la
cravate ça, Madame.
On pourrait donc dire que plus on sait
compter (et encore, les promesses électorales de Legault ne tiennent pas
nécessairement la route), moins on sait écouter ou observer. Comme le rappelait
certains commentateurs cette semaine, les jeunes Québécois n'ont jamais été
aussi scolarisés, ni aussi nombreux à détenir un emploi, tout en étudiant.
Comme les Asiatiques poussés dans le dos par leurs parents (ce dont nous parle
François Legault), ils se fendent en six pour arriver.
La jeunesse nous a également démontré, ce
printemps toujours, qu'elle avait quelque chose de plus précieux que de
l'ambition, elle avait de l'idéal: le goût d'améliorer les choses, pas seulement
pour elle-même, mais pour tout le monde.
Comment se fait-il que François Legault ne
voit rien de ce qui crève les yeux en ce moment?
Après avoir renié son propre idéal de
souveraineté, M. Legault fait la sourde oreille à tous les autres débats d'idées
qui surgissent actuellement. A l'instar du regrettable ADQ, il a créé un parti
du ni-ni: ni fédéraliste, ni souverainiste, ni à gauche, ni à droite. Le parti
de la tirelire, ni plus ni moins, sans véritables idées sauf celle de
l'efficacité et de la rentabilité. M. Legault a beau faire ses petites
génuflexions aux stations politiques d'usage --la santé, l'éducation,
l'environnement, la culture-- son seul vrai projet est de "dégraisser"
l'Etat et d'inciter à la productivité.
Cette rengaine de la rentabilité est
d'ailleurs renforcée par le formidable Dr. Barette qui, gourmand en toute
chose, veut voir les médecins prendre de plus grosses bouchées au travail. Sans
le dire tout haut, l'ex-président des médecins spécialistes croit que les
femmes omnipraticiennes sont en train de donner un bien mauvais pli à la
profession, avec cette fâcheuse manie qu'elles ont de vouloir s'occuper de leur
famille et, donc, de réduire leurs heures de travail. Le Dr. Barrette voudrait
revenir au bon vieux temps.
Encore une fois, ce n'est pas voir ce qui
se passe en société, ni comprendre ce qu'il faut faire pour s'adapter aux
nouvelles réalités. Pourtant friands de réformes, ni François Legault ni son
candidat vedette Gaétan Barrette ont vu que la vraie réforme à entreprendre c'est
la transformation du monde du travail: une vraie conciliation travail-famille
où les employeurs ne se sentiraient pas lésés et les parents, coupables. En voilà
une réforme qui en vaudrait la peine.
Mais il ne faut peut-être pas trop en
demander à un parti qui a décidé de vivre sur sa petite planète à lui. Peu surprenant,
d'ailleurs, que certains électeurs l'aient rebaptisé le Couac.
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