Le tweetosphère est en émoi depuis que
François Legault a écrit 140 caractères de trop sur les femmes. Du moins est-ce
l'opinion de ses nombreux détracteurs pour qui la phrase "les filles
attachent moins d'importance au salaire que les gars", tweetée par
Legault, serait sexiste et déplacée.
Déplacée, peut-être. Twitter n'est vraiment
pas l'endroit pour s'attaquer à des enjeux sociaux ou des considérations
philosophiques. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le chef caquiste
commet l'erreur : souvenons-nous de son échange musclé avec la leader étudiante
Martine Desjardins sur le financement universitaire, il y a quelques semaines.
Le problème avec ces échanges c'est que les
arguments massus font défaut, faute de place. C'est une longue succession de
petits coups fourrés. Ça devient très futile, très vite. L'équivalent
d'assister à un match de lutte où deux forcenés se garochent l'un sur l'autre
sans jamais accomplir autre chose que l'étalage, assez loufoque, de leur propre
égo.
Vous comprendrez que je ne suis pas Miss
Fan # 1 de Twitter. Il y a beaucoup trop de m'as-tu-vu-tisme sur ce fil
d'oiseaux, et François Legault semble être tombé dedans, ou dessus, à pieds
joints. Mais sexiste, son commentaire? Pas du tout. C'est une évidence
sociologique que les femmes sont (toujours) désavantagées économiquement malgré
de grandes enjambées sur le marché du travail. Et ce désavantage n'est pas
seulement l'affaire du "système" mais l'affaire des femmes
elle-mêmes.
Exemple: les femmes en médecine. Au grand désespoir
du président de l'Association des médecins spécialistes, Gaetan Barrette, qui s'en
plaint régulièrement, les femmes
médecins, qui forment déjà plus de 50% des effectifs, sont en train de changer
la pratique médicale. Elles travaillent moins, exigent des horaires plus
flexibles, prennent leurs congés de maternité. Conséquence? Elles gagnent moins
d'argent.
Comme dit Anne-Marie Slaughter dans
l'article que tout le monde s'arrache, Why
Women Still Can't Have it All (Atlantic Monthly), il est impossible pour
les femmes aujourd'hui, malgré le discours contraire, de tout avoir, c'est-à-dire
tant la vie de famille que la belle carrière dont elles rêvent. Elles doivent
faire des compromis puisque le monde du travail, lui, a généralement fait peu
de cas de l'arrivée des femmes sur le marché du travail. Ce sont les femmes
mères de famille qui ont dû se plier en six pour arriver à tout faire.
Autre exemple: les femmes à Radio-Canada.
Ce fut tout un choc, il y a quelques années, quand une enquête syndicale révéla que les femmes gagnaient
moins que leurs vis-à-vis masculins. On parle ici des Céline Galipeau et des
Alexandra Szacka, pas seulement des secrétaires de rédaction . Ce n'est pas SRC
qui discriminait (à ce point) contre ses employées mais celles-ci qui mettaient
la barre moins haute lors de leurs négociations salariales.
Voilà. Les filles accordent non seulement moins
d'importance au salaire que les gars (un compliment, dans le fond, dans ce
monde éhontément matérialiste), elles accordent malheureusement moins
d'importance à elles-mêmes (que le font les gars vis-à-vis eux-mêmes). Tough à
dire, impossible à pronocer si on est un aspirant candidat à l'Assemblée
nationale, encore plus dur à admettre, particulèrement chez les jeunes femmes, mais
néanmoins vrai.
Il n'y a pas d'autre explication au fait
que, bien que les garçons décrochent de plus en plus et que les filles
réussissent de mieux en mieux à l'école, ils se retrouvent, quelques années
plus tard, à égalité sur le marché du travail, voir même dans des proportions
inverses: les hommes au sommet et les femmes derrière. Comment expliquer ce
décalage professionnel si ce n'est que les femmes ont d'autres considérations
que le statut ou le salaire (la famille) et, deux, qu'elles hésitent encore
d'exiger les mêmes conditions que les hommes?
On souhaite évidemment que ça change. Des jeunes
femmes comme Martine Desjardins et Léa Clermont Dion laissent croire que les
jeunes femmes aujourd'hui commencent à avoir la même aisance, assurance, voire le
même estime d'elles-mêmes que leurs vis-à-vis masculins. Et c'est tant mieux.
En attendant, avez-vous remarquez comment
Twitter est macho, bête et méchant? Des batailles de coqs, comme celle qui
attendait François Legault après sa sortie sur les femmes, sont monnaies
courantes. A noter que la majorité qui ont tapé sur le politicien pour ses propos
soi-disant sexistes étaient des hommes.
Plus ça change...
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