Admettez que ça surprend. Un jeune de 20
ans, à peine sorti du CÉGEP, qui veut se lancer tout de go en politique. Je
sais bien que le mouvement étudiant est un terreau fertile pour la graine de
politicien, en particulier péquiste (Claude Charron, Louise Harel, Bernard
Landry, François Rebello), mais la politique c'est un peu comme le mariage,
non? Vaut mieux vivre un peu sa vie avant d'y faire son lit.
Personnellement, ce n'est pas tant que Léo
Bureau-Blouin n'ait pas complété ses études qui me frappe dans cette aventure.
C'est que, à ce point séduit par la politique, il soit prêt à compromettre, non
seulement ses études et sa vie de jeune adulte, mais aussi ses idéaux. Il
existe après tout des partis politiques beaucoup plus proches des idées de M.
Bureau-Blouin que ne l'est le PQ. Qu'il s'agisse des droits de scolarité, de l'environnement,
de la démocratie directe ou même, de justice sociale, Québec Solidaire et
Option Nationale sont davantage dans la cour d'idées auxquelles souscrit LBB.
Si Léo Bureau-Blouin était un grand indépendantiste,
bon, à la rigueur. On comprendrait un peu plus le choix du PQ. Mais LBB
apparaît comme la grande majorité de sa génération : l'affirmation lui vient
naturelle mais "le flag sur le hood", pour reprendre l'expression de
Jean Chrétien, n'est pas tellement son truc. Son combat repose bien davantage
sur l'affranchissement social et environnemental que purement politique. (Les
nombreux jeunes députés québécois NPD font partie du même phénomène). On le
voit d'ailleurs dans les raisons qu'il énumère pour justifier son entrée en
politique: "un Québec plus juste, plus vert et plus fort sur la scène
internationale." On est loin du souverainiste pur et dur.
Pourquoi alors choisir un parti qui ne
colle pas tout à fait à ses positions, ni lui, aux siennes? Serait-ce le goût
de rouler en cadillac? C'est-à-dire d'être élu le plus tôt possible.
Et c'est là que mon coeur s'inquiète. Il
existe une race d'hommes (pour l'instant, c'est exclusivement l'apanage des
hommes) qui n'existe que pour la politique. Des mangeurs de politique, si on
peut dire, qui, avec le temps, se font eux-mêmes manger par la politique. On
pense évidemment à Jean Charest, tombé dedans étant petit, comme d'ailleurs son
ex-collègue de corridors à l'Assemblée Nationale, Mario Dumont. Ils sont tous
deux des exemples de ce que je veux dire.
A la différence de Léon Bureau-Blouin,
Messieurs Charest et Dumont ont complété des études, mais tout en rêvant de faire
de la politique. Ils n'ont jamais vraiment fait autre chose (Mario Dumont, même
aujourd'hui, ne fait que ça), ni voulu exercer le métier pour lequel ils ont
été formés. Pourquoi? Sans doute pas
par besoin pressant de changer le monde. Ou pour influencer les gens par leurs
idées. Ce n'est pas le propre d'un jeune conservateur (Jean Charest) ou d'un
jeune libéral (Super Mario) de rêver de refaire le monde.
C'est bien davantage la nature du travail ici
qui les motivait : le concert d'orteils, comme dirait Parizeau, les pognées de
main, les discours, les applaudissements, la représentation constante, en
passant par l'ineffable odeur du pouvoir. Ceux qui ont goûté à la politique vous
diront qu'il y a là quelque chose d'enivrant.
Léo Bureau-Blouin affiche beaucoup plus
d'idéal que ces illustres prédécesseurs. Il y a toutes les raisons de croire
qu'il veut contribuer à rehausser le débat, à rendre l'éducation
plus accessible, la planète plus verte, l'égalité homme-femme plus réelle. On
le lui souhaite; on nous le souhaite. Il fait bon, en plus, de rajeunir les
bancs des députés. Mais il y a un je ne sais quoi d'inquiètant, une petite
affaire qui dépasse dans son empressement d'être élu. On ne peut s'empêcher de se
demander qui, des idéaux de LBB, qui, de la bête politique, auront/aura le
dernier mot.
Remarquez, Léo (pour reprendre un titre
célèbre) aura 50 ans en l'an 2042. On a le temps de le voir venir.