par
Francine Pelletier
Une étudiante du collège de Rosemont est
retournée en classe cette semaine, forte d'une injonction lui permettant de
contourner le mouvement de grève. Elle est au moins la troisième ou quatrième à
ne pas hésiter à faire un bras d'honneur, non seulement au ferment social de
l'heure, mais à la plus importante manifestation étudiante de tout temps.
Comment se sent-on à braver un tel courant?
Au moment de passer devant des centaines de collègues, et sûrement quelques
amis, qui ont tous voté en faveur de la grève, qui défendent une idée
essentielle, l'accessibilité aux études du plus grand nombre, qui ont l'appui
de plus en plus de professeurs, de syndicats, de mouvements sociaux et de plus
en plus d'élèves du secondaire... s'est-elle sentie fière? Enorgueillie de
défendre si vaillamment la liberté de conscience? Peut-être un peu loner quand même? Un peu gênée
d'envenimer une situation déjà passablement empoisonnée? L'ombre d'un doute
l'a-t-elle même effleuré concernant la pertinence de sa démarche? ...
"LIBARTÉ!" Le président de la
CSN, Louis Roy, a fait une démonstration magistrale, lors du dernier Moulin à
paroles il y a 10 jours, de la dérive de l'idée de liberté, notamment chez nos "libertariens",
les Eric Duhaime, Joanne Marcotte et occasionnel animateur de radio poubelle de
ce monde. En parodiant l'obsession avec le moi, moi, moi ("mes droits à
assister à mes cours, mes droits à dire n'importe quoi..."), le chef
syndical pointait du doigt la "confusion des genres entretenue par la
droite".
Il y a bel et bien une catégorie de
personnes pour qui la liberté est une "marque de yaourt", pour citer
Pierre Falardeau. Elles en sont fières, comme si toutes ces velléités de bien
commun, de désirs collectifs étaient choses du passé. La beauté du mouvement
étudiant, comme celle du mouvement qui s'annonce pour dimanche prochain, le 22
avril, c'est justement de rappeler que "chacun de nous est responsable de
l'effort qu'il apporte au destin commun" (Jean-Luc Melanchon, leader du
Front de gauche français).
Ça s'appelle: solidarité. Mot galvaudé s'il
y en a un, c'est quand même l'invention du siècle (dernier), celle, non
seulement que l'union fait la force, mais que nous avons une humanité commune
et par conséquent, des responsabilités communes. Pour reprendre le merveilleux
titre d'Alexis Martin et Daniel Brière du Nouveau Théâtre Expérimental, L'invention du chauffage centrale en
Nouvelle-France, la
so-so-solidarité c'est le poêle à bois de l'édifice humain, la brique chauffante
qui nous agglutine les uns aux autres, le calorifère à chaque étage qui nous
empêche de geler, tout seul dans son coin.
L'exemple de solidarité le plus hot? Les musiciens du Titanic qui
continuent à jouer alors que les passagers prennent leurs jambes à leur cou et
le bateau coule...
Tout ça pour dire que les tactiques de
division du gouvernement Charest auprès des étudiants puent au nez. On dirait
Stephen Harper, tellement la manoeuvre est hypocrite et manipulatrice. De quel
droit un gouvernement qui nage dans la collusion, ferme les yeux devant des
décennies de fraudes électorales, exige-t-il qu'un groupe étudiant (mais pas
les deux autres) montre patte blanche? Faut-il en rire ou en pleurer? De quel
droit traite-t-il les dirigeants de la CLASSE comme des hors-la-loi alors
qu'ils suivent un mandat clair, limpide, on ne se peut plus démocratique?
Comment ose-t-il leur tenir la dragée haute en matière de morale quand la
tactique même qu'il emploie, notamment en vue de l'agitation sociale qu'elle provoque,
est immorale?
Gouvermement opportuniste s'il en est un
(souvenons-nous du Mont Orford, du Suroît, des gaz de schiste...), Charest se
fie aux sondages pour espérer gagner du capital politique en employant la ligne
dure vis-à-vis les étudiants. Plus le conflit dure, plus les sympathies vont se
retourner contre les étudiants, espère-t-il, et plus on va applaudir son
"épine dorsale". Il n'y a pas l'ombre d'un principe, d'une vision
sociale, encore moins éthique, là-dedans. Il n'y a qu'un calcul électoral à
court terme.
De grâce, FECQ et FEQ, ne tombez pas dans
le panneau! Bien sûr, le vandalisme c'est pas beau. Bien sûr, vous pourriez
vous en dissocier tous un peu plus énergiquement. N'en demeure pas moins que
c'est ni aussi grave ni aussi odieux que les dérapages policiers ou la
corruption politique. De grâce,
restez solidaires. Ce n'est pas
seulement le mouvement étudiant qui en pâtirait, c'est l'idée même du chauffage
central, de la solidarité, de la défense des droits collectifs. De grâce,
faites-nous pas geler. L'hiver a assez duré comme ça.
D'ailleurs, pour tous ceux et celles qui
voudraient se réchauffer, le printemps vous attend Place des festivals,
dimanche, 14h: http://22avril.org/
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